Raymond Monier, éleveur caprin dans le Cantal, revient sur la 4e réunion de l’atelier 14 consacré à l’investissement, l’accompagnement technique et la recherche, où il représentait la Coordination Rurale.

Que faut-il retenir du bilan, demandé par la CR, des PCAE régionaux (plan de compétitivité et d'adaptation des exploitations agricoles) ? R. Monier : ces PCAE (440 millions d’euros par an) bénéficient principalement aux éleveurs (lait pour 38%, viande pour 19%, volaille pour 10%) pour le financement de mises aux normes imposées par le programme d’action de la directive nitrates. J’ai souligné que ce ne sont donc pas les PCAE sous leur forme actuelle qui nous rendront plus « compétitifs ». Ils devraient servir à améliorer nos performances mais sont essentiellement mobilisés pour répondre à une réglementation environnementale. Et ces investissements, aidés qu’à hauteur de 30% en moyenne, coûtent très cher aux éleveurs, qui rappelons-le, travaillent pour la plupart à perte, avec un nombre de cessations anticipées en augmentation. Mais il nous a été opposé que si le taux de prise en charge augmente, cela risque d’augmenter concomitamment le prix des devis de travaux ou de matériels.

D’autres défauts des PCAE ont-ils été identifiés ? R. Monier : il y a un effet pervers. Avec une subvention PCAE, un matériel neuf revient à moins cher qu’en occasion (non éligible). La CR demande depuis longtemps déjà que les matériels d’occasion puissent être subventionnés. Il faut aussi plus de réactivité pour intégrer rapidement les innovations techniques qui émergent et ne pas les repousser à la programmation suivante. Enfin, le Conseil régional Pays-de-la-Loire a indiqué que les représentants professionnels agricoles (c.à.d. Frsea et chambre d’agriculture) font introduire trop de complexité pour flécher davantage les aides vers certaines catégories d’agriculteurs, mais au préjudice de l’ensemble des demandeurs.

Il semble que la Banque Européenne d’Investissement (BEI) intervienne de plus en plus dans le secteur agricole. Pourquoi ? R. Monier : c’est une demande des agriculteurs car la BEI ne demande que 20% de garantie par rapport à l’investissement réalisé, là où une banque classique se couvre à hauteur de 130% (gages sur les matériels, hypothèques sur les terres). Ce sont des conditions intéressantes offertes aux jeunes installés ayant du mal à emprunter.

Vous avez participé l’après-midi à un sous-groupe consacré aux investissements collectifs et individuels. Qu’en retenez-vous ? R. Monier : j’ai commencé par demander la définition d’un projet collectif. Quels en sont les critères ? En fait, il n’existe encore aucune définition précise. Ces investissements collectifs sont perçus comme une réponse à l’arrivée de nouvelles technologies et du numérique, nécessitant plus de connaissance et de formation des agriculteurs, le tout dans un souci d’économies. Même chose pour les projets alimentaires territoriaux, demandant une forme d’investissement cohérente au niveau du territoire. La CR a rappelé qu’il ne faut pas oublier ou négliger les investissements individuels, notamment sur le plan du bien-être au travail, de la sécurité. L’aspect humain, l’embauche de salariés, le bien-être au travail et la transmissibilité des exploitations sont les grands oubliés de cet atelier 14 !

Sentez-vous une volonté de l’État de pousser vers des formes collectivistes ? R. Monier : il est clair que les ministères cherchent à favoriser l’investissement collectif, que ce soit entre agriculteurs ou avec d’autres partenaires (ex : projets de méthanisation). La DPI (dotation pour investissement) va disparaître en 2019 ou en 2020. Elle coûte actuellement 1,8 milliard d’euros par an au budget de l’Etat et pousse au surinvestissement individuel des agriculteurs voulant éviter de payer des impôts et de la MSA. L’Etat semble voir, dans ce surendettement volontaire, l’une des causes de la crise actuelle, à juste titre d’ailleurs. Mais pour la CR, c’est le système de système de prélèvement fiscal et social qu’il faut changer (amélioration de la DPA, TVA sociale ou éco-responsable…). Du coté des matériels, l’occasion, nettement moins coûteuse, peut-être un remède au surinvestissement.

Il semblerait que l’État cherche aussi à labelliser des formes d’agriculture intermédiaires entre le conventionnel et le bio ? R. Monier : c’est une réflexion en cours, et que le ministère a déjà engagé en dehors des EGA. En toile de fond : la montée en gamme des productions françaises voulue par Emmanuel Macron. On peut comprendre l’idée de vouloir reconnaître ces formes d’agriculture et de les identifier auprès du consommateur. Mais cela semble surtout être une demande des transformateurs, soucieux de mieux valoriser les productions issues de l’agriculture durable ou de conservation. L’aval espère marger davantage mais quel sera le retour financier à l’agriculteur ? Les agriculteurs de conservation sont des agronomes ayant besoin de liberté alors souhaiteront-ils se laisser enfermer dans un cahier des charges contraignant ? Vu le scepticisme de nombreux participants, il sera peut-être question simplement d’améliorer la certification HVE (haute valeur environnementale), dont le démarrage est particulièrement poussif, et de travailler sur l’identification de l’origine France et des marques régionales.

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