Nicolas Jaquet représente la CR dans l’atelier 4 des États généraux de l’alimentation (EGA) : « Conquérir de nouvelles parts de marchés sur les marchés européens et faire rayonner l’excellence du modèle alimentaire français en France et à l’international ». Après la deuxième réunion, il explique les divergences de points de vue sur les visées de l'atelier.

La teneur des discussions de cet atelier est inquiétante pour les agriculteurs. Le président de cet atelier, Jean-François Loiseau est le président d’Axéréal, une très grosse coopérative de la Région Centre-Val de Loire. Il tient un discours ultralibéral : « Le monde est un village. Il ne faut pas lutter contre les importations. Si grâce à la génétique, nous augmentons les rendements de 40 % en blé, alors nous resterons compétitifs ».

Et vous n’êtes pas d’accord ?

Absolument pas ! Sur les prix et la compétitivité, il faut savoir que l’Ukraine et la Russie, en améliorant le stockage et la logistique, vont faire d’ici quelques années des économies estimées à 50 €/t (source conseil céréales FAM). Ils pourront donc encore baisser leurs prix de vente de 50 €/t, c’est-à-dire venir déverser en Europe leurs excédents à un prix inférieur de 100 €/t. Il dit qu’on s’en sortira par la génétique mais nous avons déjà en Europe de l’Ouest les rendements en blé les plus élevés du monde. Nous n’avons pas beaucoup de marge de progrès à faire par rapport aux USA ou aux pays de la mer Noire où les rendements sont plus faibles. Si nos semenciers nous trouvent des variétés bien meilleures, ils iront les vendre également aux agriculteurs ukrainiens et à des firmes semencières françaises déjà installées là-bas. Nous n’avons donc aucune issue crédible par la technique ou le savoir-faire. Il dit encore qu’en maïs, nous patinons. Dans le Sud-Ouest de la France, les rendements sont supérieurs à ceux des États-Unis. Les OGM n’ont pas fait augmenter les rendements aux États-Unis ; en revanche, ils ont multiplié par trois le prix des semences… Sur le libre-échange, il est opposé à tout protectionnisme et dit que si l’on veut exporter, il est normal que les flux fonctionnent librement dans les deux sens. Pour exporter 30 millions de tonnes de blé, l’Europe importe 15 millions de tonnes de maïs dont au moins 10 d’Ukraine. Nous importons également 55 millions de tonnes d’aliments composés pour notre bétail, principalement des graines et des tourteaux de soja. Ces déformations de nos assolements et de notre balance commerciale nous placent artificiellement en situation d’exportateur de blé. Avec de plus en plus de compétition sur les marchés mondiaux, nous devons vendre encore plus loin à des prix toujours plus bas et inférieurs aux coûts de production. En Afrique noire, le blé ne pousse pas. Pourquoi changer leurs habitudes alimentaires et casser l’effort de production des paysans locaux dont les coûts de production sont de 400 à 500 € la tonne de mil ?

La conquête de nouveaux marchés ne passera-t-elle pas par des filières plus compétitives ?

On nous dit qu’il faut des filières compétitives mais ce n’est surtout pas un gage de rentabilité pour les producteurs. Et puis, compétitives par rapport à qui ? Par rapport à quoi ? Au moins disant sur le marché mondial ? Le prix payé à la production n’a pas à être la variable d’ajustement qui permet à la filière d’être compétitive.

Personne ne dit que les salaires où les coûts sociaux dans les industries agro-alimentaires (IAA) sont trop élevés et sont un frein à l’exportation. Nos niveaux de salaires sont une chose actée. Il faut arriver à faire comprendre de la même manière que nos prix agricoles ne doivent pas être alignés sur les cours mondiaux. Les IAA européennes ne payent pas leurs employés au cours mondial ; il n’y a donc aucune raison qu’elles payent la matière première agricole au cours mondial.

Comme pour le marché du travail où l’Europe ne laisse pas entrer tout le monde, dans un marché agricole organisé, on ne laisse pas entrer les productions de pays qui font du dumping ou qui ont des excédents sans débouché.

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