Le 27 janvier 2016, la Direction générale de l'alimentation (DGAL) a transmis une instruction technique à l'ensemble des Préfets de département visant à préciser les mesures de protection pouvant être mises en place à proximité des lieux accueillant des personnes vulnérables. Cette instruction donne notamment des indications sur les modalités de définition de la distance minimale adaptée et définit des mesures de protection physique en cas de nouvelle construction ; en référence à l'article 53 de la loi d'avenir agricole.


Les instructions du Ministère... et les applications locales !
Cette note rappelle ainsi que « L'utilisation des produits phytopharmaceutiques à proximité de ces lieux est ainsi subordonnée à la mise en place de mesures de protection adaptées telles que des haies, des équipements pour le traitement ou le respect de dates et horaires de traitement permettant d'éviter la présence de personnes vulnérables à cette occasion.
Lorsque de telles mesures ne peuvent pas être mises en place, conformément aux dispositions de l'article D. 253-45-1 du code rural et de la pêche maritime, le préfet de département détermine alors une distance minimale adaptée en deçà de laquelle il est interdit d'utiliser ces produits à proximité de ces lieux. »

Si la note de la DGAL préconise certaines distances sur la base de données scientifiques (Courbes de références de dérive de pulvérisation. Rautmann D. et al 2001.), les premiers projets d'arrêtés préfectoraux ne semblent tous en tenir rigueur et se livrent à une surenchère, à l'image de la Gironde qui fixe le seuil à 50 mètres pour les parcelles viticoles (contre 20 mètres dans la recommandation de la DGAL).

Cette course « au plus vert » ne s'arrête pas là puisque le préfet du Haut-Rhin avait également inclus les ruchers dans la liste « des établissements accueillant des personnes vulnérables » dans son projet d'arrêté.

 

Le souci des autres réglementations
Par ailleurs, le cumul des dispositions du projet d'arrêté fixant les mesures destinées à préserver lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables et du projet d'arrêté relatif aux bruits de voisinage, laisse une marge de manœuvre infime à l'agriculteur pour traiter les zones concernées par le premier arrêté cité ; à savoir de 5h à 7h et de 19h à 22h si l'on considère le cas le plus contraignant. Avec une telle réglementation, l'agriculteur n'a donc que 5 heures par jour (hors dimanches et jours fériés) pour réaliser les traitements indispensables à la bonne santé de ses cultures, aux abords des lieux accueillant des personnes vulnérables.

Cette plage horaire très faible diminuera les capacités d'intervention des agriculteurs en cas de climatologie défavorable aux cultures, menaçant de fait des entreprises déjà en situation difficile. Cette mesure sera également amenée à compromettre le bon déroulement des traitements obligatoires tel que celui contre la cicadelle dans le cadre de la lutte obligatoire contre la flavescence dorée. Dans ces cas de figure, quelle réglementation l'agriculteur devra-t-il privilégier ?

Par ailleurs, ces horaires ne sont pas adaptés à des horaires d'emplois salariés comme le prévoient les contrats de travail classiques en milieu agricole. Comment l'agriculteur devra-t-il faire ? Payer des horaires de nuit à ses salariés ? Leur confier moins de tâches pour un salaire identique ? Sans compter que les agriculteurs ont également droit à une vie familiale normale, qui ne sera pas possible avec de telles plages horaires.

Enfin, dans un souci de réalisme, les lieux et établissements accueillant des personnes vulnérables sont généralement implantés dans des zones urbanisées, et ces bâtiments ne sont pas les seuls à border les vignes, vergers et champs ! Aujourd'hui, les agriculteurs ne traitent quasiment jamais après 19h en zone urbanisée, le voisinage étant souvent incommodé tant par le bruit que par les odeurs. Ces plages horaires les obligeront à traiter en soirée pendant la belle saison alors que les riverains profitent de leurs extérieurs, ce qui ne sera pas sans conséquence sur les relations de voisinage. L'arrêté pourrait ainsi produire des effets inverses à ceux escomptés. Et on ne parle pas de la protection des cours d'eau...


Toutes les productions sont concernées
Si les vignes et vergers sont en première ligne de cette réglementation, toutes les cultures seront touchées. Les conséquences sont importantes pour les agriculteurs, déjà considérés à tort comme des empoisonneurs par les associations écologistes.


La Coordination Rurale alerte et se scandalise d'une telle démarche de la part des préfets. La filière agricole est déjà en proie à de nombreuses difficultés économiques pour qu'ait lieu une surtransposition des instructions nationales. Jusqu'où peuvent aller les préfets avec cet arrêté ? Va-t-on vers une interdiction totale des traitements phytopharmaceutiques ?
Nous demandons du réalisme et du pragmatisme : cette surenchère administrative doit cesser !

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