Selon une publication du Commissariat général au développement durable (CGEDD) datant de novembre 2015, la molécule la plus fréquemment retrouvée dans les cours d’eau est l’AMPA, métabolite du glyphosate. Le coupable est donc désigné : il s’agit de l’agriculteur utilisant ce « pesticide » pour ses désherbages. Mais l’AMPA a pourtant d’autres origines n’ayant absolument rien à voir avec l’activité agricole.

AMPA du glyphosate et AMPA des phosphonates

L’acide aminométhylphosphonique (AMPA) a deux origines :

  • agricole, en tant que métabolite du glyphosate
  • non agricole, en tant que métabolite des aminométhylène-phosphonates, utilisés dans les systèmes de réfrigération et de refroidissement des moteurs, de traitements des eaux de refroidissement, les détergents industriels et domestiques, les lessives (comme adjuvants anticalcaires).
 

Une à trois molécules d’AMPA peuvent être formées par la dégradation d’une molécule de ces phosphonates industriels. Les caractéristiques physico-chimiques de l’AMPA sont identiques quelle que soit sa provenance : agricole, industrielle ou domestique.

Les origines de l'AMPA n’étant pas distinguées, comment le Ministère peut-il imputer à la seule activité agricole la présence d’AMPA dans 55% des analyses de cours d’eau ?

Stations d’épuration : des passoires à AMPA !

La plupart des lessives (liquides ou en poudre), même celles sous label environnemental, contiennent et surtout génèrent de l’AMPA, en quantité variable selon la température de l’eau. Les eaux de lavage aboutissent à la station d’épuration avant d’être rejetées dans les eaux de surface.

Or, les stations d’épuration retiennent très mal l’AMPA. Une étude néerlandaise a démontré que non seulement le métabolite n’est pas extrait par les traitements d’épuration mais qu’il peut même se retrouver en quantité plus importante en sortie de station !

Une autre étude, française, menée par l’INRA, a confirmé la présence d’AMPA dans les boues de station d’épuration (1 mg d’AMPA/kg), y compris dans celles issues du traitement d’eaux usées provenant de réseaux séparatifs eaux pluviales/eaux usées.

Enfin, une étude autrichienne conclut très clairement que les stations d'épuration sont plus émettrices d'AMPA que les utilisations de glyphosate : « Les hautes concentrations d’AMPA sont corrélées avec les effluents de station de traitement pouvant contenir de l’AMPA en tant que métabolite des phosphonates le glyphosate n’apparaît qu’en concentration négligeable dans les échantillons contenant les plus fortes concentrations d’AMPA. Ces résultats confirment l’hypothèse que les phosphonates largement utilisés sont la source principale d’AMPA dans les eaux de surface, bien plus que l’herbicide glyphosate ».

Cela expliquerait que l’on retrouve de l’AMPA, notamment dans les grands fleuves et rivières, dans des quantités complètement déconnectées de celles du glyphosate. D’après Arvalis, sur un bassin agricole type, l’AMPA est retrouvé à des niveaux 2 fois inférieurs à ceux du glyphosate tandis que dans une rivière traversant une zone industrielle ou une zone urbaine dense, l’AMPA peut être retrouvé à des niveaux 16 fois supérieurs ! (études sur la Rhur et le Rhin en Allemagne).

Remplacement des phosphates par les phosphonates : une pollution en chasse une autre !

Comble de l'ironie : le Ministère de l’Écologie note dans un diaporama que pour limiter l'eutrophisation des eaux provoquée par les phosphates des produits ménagers mal retenus par les stations d’épuration (voir le dossier de la CR), il a fallu les remplacer par les phosphonates, générateurs d’AMPA !

Il est en effet troublant que les quantités d’AMPA retrouvées dans les eaux soient en augmentation depuis 2004-2005 car cela coïncide avec le début du remplacement des phosphates par les phosphonates dans les détergents.

Le Ministère le confesse : "on assiste aujourd’hui au passage d’une problématique macropolluants (le phosphore) à une problématique de micropolluants (phosphonates et consorts inconnus , etc.)".

Avec l’interdiction totale des phosphates dans les détergents textiles ménagers (lessives) au 1er juillet 2007 (ce qui a diminué le phénomène d’eutrophisation de 20 à 25% !), avec celle des phosphates dans tous les détergents à compter de fin 2012 et les détergents pour lave-vaisselle industriels à compter de 2015, les rejets d’AMPA vont sans doute encore augmenter de manière conséquente. Le Ministère continuera-t-il d’en accuser à tort les agriculteurs ?

Conclusion : le Ministère doit davantage s’expliquer au sujet de l’AMPA

La publication du CGEDD admet que l'AMPA "peut également résulter de la dégradation des phosphonates utilisés comme agents anti-tartre dans de nombreuses applications industrielles et domestiques".

Mais elle se retranche derrière l'impossibilité de distinguer la part revenant à chacune de ces sources : "les recherches à ce jour ne parviennent pas à différencier la part provenant de la dégradation du glyphosate de celle des phosphonates, d’où une certaine prudence à observer vis-à-vis des teneurs d’AMPA relevées dans les cours d’eau."

Ne pouvant se satisfaire de cette situation, la CR a demandé au Ministère de faire tout la lumière sur les origines précises de l’AMPA, quitte à missionner un ou plusieurs organismes de recherche. Botter en touche est une posture facile pour l'Administration ! Un programme spécifique de recherche et de suivi sur l’AMPA et ses origines doit être créé. Ses premiers résultats connus, chacun devra prendre ses responsabilités.

Bibliographie :

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