La Convention citoyenne pour le climat regroupe 150 citoyens tirés au sort et constitués en assemblée de citoyens. Ils ont été appelés à formuler des propositions, rendues publiques le 18 juin dernier pour lutter contre le réchauffement climatique. Destinées au Gouvernement, ces propositions sont regroupées en six sections, dont une traitant de notre alimentation. Nous avons lu cette section et retenu trois propositions phares impactant l’élevage.

PROPOSITION SN1.1.6 : PASSER À UN CHOIX VÉGÉTARIEN QUOTIDIEN DANS LA RESTAURATION COLLECTIVE PUBLIQUE À PARTIR DE 2022, Y COMPRIS DANS LA RESTAURATION COLLECTIVE À MENU UNIQUE

Cette proposition vise à renforcer l’expérimentation qu’a initiée le Gouvernement depuis le 1er novembre 2019, et à rendre obligatoire la proposition d’un menu végétarien en restauration collective scolaire, à raison d'une fois par semaine. Cette expérimentation laisse cependant le choix aux restaurants soit d’imposer un repas végétarien par semaine, soit de proposer chaque jour une alternative végétarienne.

Avis de la Coordination RuraleLa CR déplore cette nouvelle stigmatisation des produits carnés. Il est indispensable que les gestionnaires des établissements maintiennent chaque jour un repas « classique », notamment dans les écoles, afin que les élèves bénéficient toujours d'une alimentation variée. La CR exige que les menus végétariens incluent des protéines animales (fromage, œufs…) qui sont plus riches en acides aminés indispensables que celles végétales, et qui apportent des nutriments plus facilement assimilables tels que le zinc, le fer (le fer issu des animaux est six fois mieux assimilé que le fer ferrique présent dans les végétaux) ou encore la vitamine B12. La CR demande qu’une évaluation de la qualité des repas à base de protéines végétales soit inclue dans le bilan de l’expérimentation (traçabilité et origine, degré de transformation des aliments etc.) et revendique le caractère facultatif de ces menus.

En préambule des propositions de la section "se nourrir", la Convention citoyenne indique vouloir réduire, d'ici 2030, de 20% la consommation de viande et de produits laitiers, et augmenter la consommation de fruits et de légumes, légumes secs et céréales. Pourtant, les Français sont loin d'être de gros consommateurs de viande : ils ne consomment en moyenne que 3 portions de viande par semaine, soit l’équivalent de 370 grammes, bien inférieure au seuil recommandé de 500g de viande rouge cuite par semaine, préconisé par les instances de santé publique en matière de prévention. De plus, l'élevage français permet de combattre le réchauffement climatique : le système d’élevage français entretient 13 millions d’hectares de prairies naturelles, qui participent au stockage du carbone à hauteur de 760 kg/ha et par an. Avant de drastiquement réduire la consommation de viande des Français, commençons par interdire la viande d'importation produite sous nos standards !

PROPOSITION SN 2.1.5 : INSCRIPTION DANS LA LOI ET LE PSN : AIDER À LA STRUCTURATION DE LA FILIÈRE DES PROTÉAGINEUX (AUGMENTATION DE L'AUTONOMIE DU CHEPTEL ANIMAL FRANÇAIS, 100 % D'AUTONOMIE POUR L'ALIMENTATION HUMAINE EN PROTÉINES VÉGÉTALES, ACCROISSEMENT DE LA DIVERSIFICATION DES CULTURES DANS LA PAC, MISE EN ŒUVRE DU PLAN PROTÉINES VÉGÉTALES NATIONAL)

En 1973/74, la dépendance de la France en protéines, autrement dit de non couverture des besoins, s’élevait à 69 %. Elle s’élève aujourd’hui à 37 % du fait de l’évolution des politiques publiques. Le plan protéines végétales 2014-2020 permettait de poursuivre les efforts de recherche et d’appui techniques aux producteurs, mais les résultats restent mitigés, et ce plan protéines n’a finalement pas été adopté. En parallèle, plusieurs ONG pointent les élevages français et européens comme principaux responsables de la déforestation en Amérique du Sud, de par l’importation de soja pour l’alimentation animale.

Avis de la Coordination Rurale : la dépendance protéique des élevages français et européens n’est pas le résultat de choix agronomiques ou de techniques d’élevage, mais bien de décisions politiques qui ont imposé à l’Europe d’importer environ 33 millions de tonnes de soja chaque année. La CR a, dès sa création, compris que l’autonomie en protéines végétales était l’une des clés de la sauvegarde de notre modèle agricole, car comment maîtriser nos productions animales si nous ne maîtrisons pas nos approvisionnements d’aliments, et comment pratiquer des assolements diversifiés sans cultures protéagineuses ? Aux yeux de la CR, il est vain pour les agriculteurs de produire en excès des céréales si c'est pour les brader sur le marché mondial, alors que, dans le même temps, la demande intérieure en protéines n’est pas satisfaite. Il suffirait de 4 Mha de plantes protéagineuses, soja, pois et luzerne dans l’UE, pour ne plus avoir d’excédents de blé à exporter vers les pays tiers. C’est pour cela que la CR et FGC ont élaboré un plan protéines visant à augmenter la part des oléoprotéagineux jusqu'à atteindre 25% des surfaces en grandes cultures, et à développer les légumineuses fourragères pour rééquilibrer nos assolements. (consulter le dossier). Il y a un intérêt tant économique qu’agronomique, mais surtout, nous reprendrions en main notre souveraineté alimentaire sur un plan quantitatif et qualitatif

PROPOSITION SN 4.1.2 : DEMANDER AU GOUVERNEMENT FRANÇAIS DE DÉFENDRE UNE RÉFORME POLITIQUE COMMERCIALE EUROPÉENNE : INSCRIRE LE PRINCIPE DE PRÉCAUTION DANS LES ACCORDS COMMERCIAUX, INSCRIRE LE RESPECT DES ENGAGEMENTS DE L'ACCORD DE PARIS COMME OBJECTIFS CONTRAIGNANTS, METTRE FIN AUX TRIBUNAUX D'ARBITRAGE PRIVÉS, GARANTIR LA TRANSPARENCE ET PERMETTRE LE CONTRÔLE DÉMOCRATIQUE DES NÉGOCIATIONS

Une réforme de la politique commerciale européenne compatible avec les engagements internationaux en matière environnementale est indispensable. Cette proposition de réforme vise également à encourager une alimentation saine et à promouvoir en France des activités économiques soutenables en évitant la concurrence déloyale.

Avis de la Coordination Rurale : La multiplication des négociations des accords de libre-échange (CETA, Mercosur, Océanie, États-Unis…) est le résultat d’une politique ultralibérale de la Commission européenne, pilotée par l’Allemagne, pour exporter à tout crin des produits industriels européens (automobiles, produits pharmaceutiques). En contrepartie, l'UE accepte d'ouvrir son marché à des produits agricoles qui ne respectent pas nécessairement nos normes de production et pour lesquels nous sommes souvent déjà autosuffisants. La ratification de ces accords est promue comme un instrument de régulation des relations économiques et commerciales. La Coordination Rurale s’oppose systématiquement à la ratification de ces accords dès lors qu’ils incluent des produits agricoles. Pour le syndicat, cette proposition de la Convention ne va pas assez loin et devrait proposer d’exclure les produits agricoles des négociations, comme le syndicat le demande depuis sa création, par la reconnaissance d’une exception agriculturelle au niveau international, placée sous l’égide de l’ONU. Les accords commerciaux ont en effet monté les agriculteurs du monde entier les uns contre les autres, mettant les agriculteurs européens en situation de concurrence déloyale. Ces accords mettent également les consommateurs européens en danger, car ils permettent l'importation de produits qui ne répondent pas aux standards sanitaires européens, à l'exemple de la viande canadienne nourrie aux hormones de croissance et aux farines animales.

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