Les anciens exploitants agricoles sont des retraités heureux. Ils ont pu atteindre le repos espéré quand nombre de leurs confrères, usés physiquement par des travaux pénibles et des horaires à rallonge sont partis prématurément, et quand d’autres, acculés à la ruine par un harcèlement de réglementations insupportables ont terminé leurs calvaires pendus à une poutre dans la pénombre de la grange. Mais leur bonheur est fugace. 

Après avoir travaillé un nombre d’heures quasi double de celui de leurs salariés, ils perçoivent une retraite deux fois et demi plus faible. Ce n’est pas une vue de l’esprit : ce sont les chiffres du rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de juin 2016 (page 110) qui mettent en évidence, pour une retraite moyenne de carrière complète, des prestations retraites de 1 690 € pour les salariés agricoles et de 710 € pour les non-salariés. On va tout de suite objecter que les retraites versées sont en rapport aux cotisations payées. Il suffit pourtant de comparer le taux de la part salariale (23,01 %) des cotisations pour s’apercevoir qu’il est de loin inférieur à celui des non-salariés (32,37 %), qui eux, lorsqu’ils sont employeurs paient la part patronale (40,45 %) des cotisations de leurs salariés.

Les citoyens, qui n’ont pas travaillé en France, ou qui n’ont pas assez travaillé pour avoir des droits à la retraite peuvent bénéficier du droit à l’Allocation de solidarité aux personnes âgées (Aspa), sous condition de ressource, d’âge et de résidence. Certes, les exploitants retraités peuvent eux aussi bénéficier de l’Aspa, mais le jour où la dépendance les oblige à entrer en maison de retraite, leurs ressources ne leur permettent pas financièrement de faire face et ils ne veulent pas être à la charge de leurs descendants, ni leur transmettre des dettes, les sommes perçues au titre de l’Aspa étant récupérables sur héritage au-dessus du seuil de 39 000 €. Ces descendants doivent déjà payer des droits de succession conséquents pour prendre la suite de l’entreprise. Les retraités aux revenus les plus faibles doivent donc se contenter de peu. Étant donné que les exploitants ont dû acheter leur outil de travail, les remboursements d’emprunts ont grevé leurs comptes d’exploitation et ont diminué leurs cotisations MSA. Comme les salariés n’ont pas eu à supporter cette charge, il serait équitable que la récupération de l’Aspa sur héritage ne concerne pas le capital agricole (terres louées par exemple) détenu par le non-salarié retraité bénéficiaire de cette aide. Cela permettrait de résoudre le problème des trop petites retraites des non-salariés.

Autre injustice préjudiciable : Lors du départ à la retraite, les exploitants font souvent donation à un enfant du fonds agricole en échange d’une rente ou du bénéfice du fermage. L’article R 815-25 du Code de sécurité sociale stipule que les biens donnés depuis moins de 10 ans : « sont réputés lui procurer un revenu évalué à 3 % de leur valeur vénale fixée à la date de la demande » et entrent pour 3 % entrent dans le calcul du plafond d’obtention de la pension de réversion. L’application de cet article est injuste puisque les biens concernés par cet article produisent des revenus de location, de rente ou de fermage qui entrent aussi dans le calcul du plafond. Il s’agit là d’une double prise en compte de revenus qui amène à priver injustement certains veufs et veuves du bénéfice de la pension de réversion. Ces points ont été présentés aux représentants des ministres de l’Agriculture et de la Santé qui ont proposé de solutionner l’impossibilité pour la MSA de financer la partie RCO (Retraite complémentaire obligatoire) des retraites à compter de septembre 2017 par l’augmentation des cotisations abondée à parité par la solidarité nationale. Toutes les organisations présentes ont objecté que la situation économique de la profession ne permettait pas d’envisager cette hypothèse. Aucun des gouvernements depuis plus de 50 ans n’a voulu prendre en compte le déséquilibre actifs/retraités, et l’équation insoluble cotisants/chômeurs.

La Coordination Rurale a rappelé que depuis 1997, elle avait préconisé de financer l’ensemble de la protection sociale, y compris les retraites, sur la consommation plutôt que sur le travail et le capital. Cela améliorerait drastiquement la compétitivité, la balance commerciale et la situation de l’emploi. Cela résoudrait l’insoutenable inégalité qu’entretient la quarantaine de régimes sociaux différents et assurerait une assiette non délocalisable et totalement équitable du financement social. Un excellent sujet de campagne pour les prochaines élections. Il y a urgence !

Armand Paquereau

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