L’Organisation des producteurs de lait (OPL) de la CR revendique une régulation européenne de la production et du marché du lait de manière à assurer des prix rémunérateurs aux éleveurs. Cet encadrement permettrait de conserver notre maillage laitier sur l’ensemble de nos territoires, de faciliter le renouvellement des générations et de conserver les races locales qui font la spécificité de nos fromages et la richesse de nos terroirs.

L’OPL milite au niveau européen avec 18 autres organisations laitières au sein de l’European Milk Board (EMB) pour l’instauration d’un Programme de responsabilisation face au marché (PRM).
Elle a récemment intégré le Cniel, l’interprofession laitière, pour faire avancer ces revendications et obtenir plus de transparence.

Elle a pour responsable Sophie Lenaerts, éleveuse de bovins lait dans l’Oise (60)

À télécharger : Note de conjoncture – Février 2024

En savoir plus sur la section

Historique

  • Création de l’Organisation des Producteurs de Lait « OPL » en avril 2005
  • La section lait de la CR se transforme en syndicat spécialisé de producteurs de lait afin de pourvoir prétendre à rentrer et à siéger à l’interprofession laitière, le CNIEL
  • Mars 2006 : 1ère rencontre avec l’EMB : Discussion avec Romuald Shaber, Président de l’EMB, lors du SIMA à Villepinte Paris.
  • Mai 2006 : 1er congrès de l’OPL: « Le Lait à prix rémunérateur » qui a permis de présenter des propositions concrètes pour remédier aux problèmes du lait. Le modèle Canadien. Invitation de Daniel Mercier Gouin, enseignant au Département d’Economie agroalimentaire et des Sciences de la consommation à l’Université Laval au Canada, nous a présenté le « modèle » laitier canadien. (Citation extraite du site canadien www.farmcentre.com):«  Le système de gestion de l’offre au Canada est celui qui stabilise le mieux les prix à la production à un niveau généralement supérieur à ce qui a cours dans les autres pays. Paradoxalement, c’est dans les pays où il y a une gestion de l’offre, et notamment au Canada, que les prix à la consommation ont le moins augmenté au cours de la période d’observation, au bénéfice donc des consommateurs nationaux de produits laitiers ».
  • Rentrée de l’OPL au sein de l’EMB en 2007. En adhérant à l’European Milk Board (EMB), l’OPL voit plus loin que son intégration au CNIEL. Sa priorité est alors de rassembler le plus grand nombre de producteurs pour une union indispensable des producteurs européens de lait. La bataille pour un prix rémunérateur passe par une gestion de la production qui ne peut se concevoir qu’à l’échelle européenne pour être efficace.L’Objectif de ce rassemblement des producteurs de lait (au minimum 50 % du lait produit en Europe)
  • Avoir une organisation forte capable d’agir au niveau européen
  • Négocier avec les laiteries / le commerce
  • Influencer sur la politique et mettre en avant la préférence communautaire
  • Maîtriser la production, les producteurs doivent en être acteurs
  • Septembre 2007 : Colloque de l’OPL/EMB au sein du SPACE à Rennes. Berns Jacobs, Président d’un syndicat belge de Producteurs laitiers (le BDB) est venu présenter l’EMB aux producteurs français et la stratégie européenne voulue par les producteurs européens à savoir la régulation de la production et des marchés
  • Février 2008 Congrès de l’EMB à Bruxelles : 5000 producteurs de lait européens dont des producteurs de l’OPL réunis pour une même cause et des mêmes souhaits : vivre dignement de leur métier.
  • Suite à ce congrès, la grève européenne du lait est envisagée. Toutes les organisations présentes au sein de l’EMB réfléchissent à l’opportunité de lancer une grève européenne du lait, seule action plausible pour « bouleverser » la situation.
  • Mai 2008 : Les producteurs allemands subissent une baisse dramatique des prix. Les allemands démarrent la grève du lait. Ils sont rapidement suivis par les autrichiens, les suisses et une partie des belges (germanophones) mais les autres pays ne sont pas prêts. Les producteurs français n’étaient pas prêts à cette grève tout simplement parce que le prix en France était au-delà de 350 euros. L’OPL s’est toutefois mobilisée pour soutenir et aider les producteurs allemands en allant bloquer quelques laiteries françaises basées dans l’Est et proches de la frontière allemande,limitant ainsi l’invasion de lait français chez eux. La Presse nationale française a gardé le plus grand silence sur la grève du lait chez nos voisins !
  • Juin 2008 : Rencontre de l’OPL avec les producteurs espagnols à Pau. Il faut être unis et travailler ensemble pour le devenir de tous. Prolec, syndicat espagnol fait parti de l’EMB en 2008. Depuis Prolec a fusionné pour devenir OPL Espagne, membre de l’EMB.
  • Juillet 2008 : L’EMB appelle tous les producteurs européens à envoyer 1 litre de lait à Mariann Fischer Boël, commissaire européen à l’agriculture afin de lui montrer que les excédents de lait font chuter les prix à la production et ruinent les paysans.
  • Septembre 2008 : Quelques producteurs du Sud-Ouest font la grève du Lait à l’appel de Pascal Massol (Colistier de la Coordination Rurale de l’Aveyron lors des élections chambre de 2007). Peu de producteurs suivent, la grève est très localisée mais c’est le début d’un électrochoc et surtout mouvement bien mouvement bien relayé par la presse.
  • Octobre 2008 : Début des réunions OPL/EMB pour préparer la grève européenne du lait. Mise en place des vaches Justines comme symbole du ralliement et de l’unité européenne (faironikas). L’OPL a baptisé la faironika en Justine en français, = justine=justice=juste – Idée de ce prénom venant d’Isabelle D notre juriste = encore de la justice !)
  • Octobre 2008 : création de l’APLI. Dans le même temps, création de l’APLI par Pascal Massol pour jouer la carte de l’indépendance et l’absence d’étiquette syndicale. Lors d’une des premières réunions de « préparation psychologique » à la grève du lait, signature des statuts de la création de l’APLI avec Pascal Massol comme président fondateur. Les statuts sont préparés par le service juridique de l’OPL/CRUN!
  • Préparation à la grève du lait. Les premières réunions de Pascal Massol et de Daniel Condat sont communes. Les réunions massives démarrent rapidement et Daniel et Pascal se lancent dans un marathon incroyable. Dans toute la France, les réunions de producteurs se multiplient, pascal pour l’APLI, Daniel pour l’OPL.
  • Le « I » de indépendance fait « mouche ». L’indépendance syndicale fonctionne, il a fallu sortir de chez eux les producteurs de lait, syndiqués, non syndiqués. Des réunions régionales, départementales, cantonales voire communales sont menées toujours avec la même conviction : Seuls les producteurs unis et en nombre, partout en Europe, pourront faire changer de cap à la politique européenne. (A ce moment là, l’APLI ne fait pas encore partie de l’EMB.)
  • Dernier trimestres 2008, démarches politiques : L’OPL, lors d’un rendez-vous ministériel remet au Directeur de Cabinet du Ministre un document expliquant la politique laitière au Canada ; tout le monde (y compris les conseillers présents) semblait découvrir qu’il était possible de vendre correctement son produit, sans aide et sans que les consommateurs ne payent plus cher !
  • Des actions européennes en même temps : En même temps que les réunions de producteurs en France, des manifestations européennes se multiplient, à Strasbourg, Luxembourg et à Bruxelles devant la commission européenne (25 février, 25 mai et 18 juin à Bruxelles, 22 juin à Luxembourg, 14 juillet à Strasbourg). La démission de Fischer-Boël, commissaire européen à l’agriculture est obtenue, c’est une grande victoire !
  • 02 avril 2009 ,3ème Congrès à Guéméné-Penfao en Loire atlantique : « En Europe, est-il encore possible de vivre de son lait ? ».Devant 1000 producteurs de lait, Romuald Shaber et Erwin Shöpges (alors Président du MIG en Belgique) nous ont apporté leur motivation et leur optimisme pour la bataille des producteurs européens unis. Producteurs français, êtes-vous prêts à jeter votre lait ?
  • Juillet 2009, Assemblée Générale de l’EMB  à Zurich en Suisse. Sur proposition et demande de l’OPL, l’EMB décide à l’unanimité de ses membres d’intégrer l’APLI en son sein. L’EMB passe alors à 17 organisations. Lors de cette Assemblée Générale La grève européenne du lait est votée. La date de démarrage est calée mais reste évidemment secrète pour une efficacité maximale. Ce sera en septembre 2009!
  • 21 juillet 2009 : Audition de l’EMB par la commission agricole du parlement européen. L’EMB franchi les portes de la Commission. Notre organisation européenne est enfin reconnue et entendue.
  • Jeudi 10 septembre 2009,date historique : 1ère grève européenne du lait est lancée ! A Paris, aux invalides, l’EMB par les voix de Daniel Condat, Pascal Massol et d’autres représentants européens, appelle tous les producteurs de lait européens à cesser de livrer leur lait dès la traite du soir.
  • La grève a duré 15 jours avec des épandages massifs de lait pendant la deuxième semaine, d’abord au Luxembourg puis dans les autres pays et bien sûr en France.L’épandage au Mont-Saint-Michel a été le déclic français En France, cet épandage très médiatisé, (avec celui du Luxembourg) a été probablement le déclencheur d’une prise de conscience de nos responsables politiques français et européens.
  • Nombreuses réunions au ministère dont une table ronde le 07 octobre avec l’ensemble de la filière. Des échanges réguliers avec le Ministre Bruno Le Maire et l’OPL se tiennent. L’APLI, n’étant pas un syndicat représentatif, a besoin de nous pour participer aux réunions. Nous leur permettons, par notre représentativité, de venir et participer aux réunions.
  • Manifestation massive à Luxembourg le 19 octobre2009
  • Travail du ministère français pour rallier le plus de pays européens à la régulation. La grève du lait et cette pression auprès des politiques a permis la création d’un groupe d’experts de haut niveau par la commission européenne (HLGE) qui définira plus tard le paquet lait.
  • Novembre 2009 : Manifestation à Bruxelles le 19 novembre : « L’œil vous surveille ».L’EMB décide de créer son propre groupe d’experts pour répondre au mieux aux propositions et réflexion du HLGE européen. Dans certains départements, la pression continue par le blocage de laboratoires d’analyses de lait.
  • Manifestation des producteurs de lait sur le Champs de mars à Paris le 10 décembre.
  • L’OPL, l’APLI et la Confédération paysanne travaillent à la création de l’Office du lait qui devait, à nos yeux, remplacer le CNIEL totalement aux mains des laiteries et de la FNPL qui a toujours imposé la fin de la régulation. La règle de l’office du lait : indépendance économique et politique.
  • En même temps, les 3 organisations créent France Milkboard , une organisation nationale de producteurs.
  • La LAA, malgré les actions auprès des députés conforte le rôle et les missions du CNIEL. L’office du lait ne peut se développer et s’éteindra rapidement.
  • Le paquet lait européen instaure les OPs et la contractualisation ; Nous accélérons la volonté de créer les FMB par région. Malheureusement, les OP ficelées aux laiteries sont imposées par la FNPL et par les laiteries qui font le lobbying pour afin garder la main sur les volumes de productions (et les prix!). L’indépendance est morte et les producteurs deviennent encore plus dépendants de leur laiterie !3 FMB sont toutefois reconnues- FMB Grand-Ouest- FMB Sud-Ouest- FMB NormandieLes FMB des autres régions n’ont pas pu naître, les producteurs sous pression de leur propre laiterie ont eu peur.L’OPL ne se souhaite pas s’immiscer dans la gestion des FMB, le maître mot de départ étant l’indépendance. Des producteurs de l’OPL s’impliquent toutefois dans les projets mais en tant que producteurs de lait et non pas en tant que représentant de l’OPL.
  • 2011 :La contractualisation est mise en place, censée renforcer les relations commerciales entre les producteurs et les laiteries.Le problème des coopératives se posent avec le statut particulier des coopérateurs. Les laiteries proposent leurs contrats, parfois différents d’une région à l’autre pour une même laiterie. Les contrats sont totalement déséquilibrés, beaucoup d’obligations et de contraintes mais pas de prix ! Les OP qui devait garantir un pouvoir de négociations des producteurs face à l’agroalimentaire laitier se retrouvent encore plus ficelés qu’ils ne l’étaient !
  • L’OPL et FMB proposent un contrat type tripartite équilibré et intégrant les coûts de productions. Un contrat équilibré qui impose un prix payé aux producteurs en fonction des coûts de productions et sur la base d’une régulation européenne. Il est interdit de fixer un prix en France mais rien n’empêche de fixer des indices permettant le calcul d’un prix juste et équitable.
  • 2013-2014 : L’EMB mandate des études pour calculer les coûts de production à la ferme. En France, le coût moyen ressort à 45 cts le lait ! Avant la grève du lait de 2009, la notion de coût de production sur les exploitations agricoles n’existaient pas. Ce travail a donc permis à l’ensemble des acteurs de la filière de considérer cette notion jusque là réservée aux transformateurs.
  • Une régulation indispensable : la fin des quotas au 31 mars 2015 est actée mais sans aucune alternative que le marché libre, une contractualisation contraignante qui n’impose pas de régulation et donc pas de prix, des Organisations de Producteurs qui sont majoritairement liées aux laiteries sans laisser les producteurs décider, Une nouvelle crise laitière est alors prévisible, inévitable et elle sera sévère et grave !
  • Aujourd’hui, l’OPL avec l’EMB tient le même discours que celui de 2006, il y a 10 ans : La régulation européenne. C’est que nous proposons avec le PRM programme de responsabilisation des marchés.

Stratégie

1 – Pour un prix du lait équitable

La France doit agir pour éviter ce qui se passe aujourd’hui en Allemagne, à savoir du lait vendu à un prix inférieur à celui de l’eau !

A cet égard, l’Observatoire de la formation des prix et des marges et le CNIEL au titre de l’article 157 de l’OCM pourraient établir une formule pour le lait UHT demi écrémé (voire toute une gamme de produits) telle que la répartition des marges soit équitable. Les bons résultats des entreprises ne reflètent en rien ce qu’elles accordent en retour aux producteurs. Cette situation ne peut plus durer.

2 – Pour une contractualisation équilibrée

La contractualisation a été rendue obligatoire par la LAAF en 2010. Les industriels laitiers privés devaient alors proposer, sous peine d’amende, des contrats individuels à tout producteur leur livrant du lait, et ce sans négociation bilatérale. Ce n’est qu’en 2012 que le « Paquet Lait » au niveau européen a offert la possibilité aux producteurs de se regrouper en organisations de producteurs (OP). La chronologie des textes de loi a ainsi amplifié le déséquilibre des relations producteurs-industriels laitiers, certainement voulu par quelques lobbyistes.

Ce constat, fait par tous, a été notifié dans le rapport du CGAAER (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux) sur « La mise en œuvre de la contractualisation dans la filière laitière française ».

Les nombreuses tables rondes sur l’élevage fin 2015 ont toutes abouti à la même conclusion pour le ministère de l’Agriculture. Il encourage une nouvelle forme de contractualisation en croisant les doigts pour que cela permette de mieux répartir la valeur ajoutée.

La crise et l’impuissance de l’État à proposer des mesures structurantes au niveau national et convaincre en UE pour une réforme profonde de la PAC, laissent naître beaucoup d’initiatives de contractualisation. Alors que les contrats laitiers de 2011 vont pouvoir faire l’objet d’une renégociation cette année (5 ans après), l’OPL de la CR espère que ce mouvement global enterre la contractualisation forcée, qui n’a abouti qu’à l’asservissement des éleveurs.

Dans l’attente de pouvoir analyser les contrats, l’OPL de la CR reste prudente. En effet, sans référence appropriée, les contrats ne constituent qu’un moyen pour les industriels d’assurer leur approvisionnement quand ils ne trouvent pas moins cher ailleurs.

A quoi bon s’engager à livrer sa production si la rémunération se fait au prix du marché et ne couvre pas le coût de revient ?

Un contrat doit a minima, outre le fait de se conclure sur la base du volontariat, contenir une référence à un produit, une quantité, une durée, mais surtout un prix avec une indexation sur les coûts de production.

Parmi les clauses de sauvegarde, un mécanisme doit pouvoir être inscrit pour pallier et anticiper les périodes de forte volatilité des prix. Pour l’OPL de la CR, une référence au PRM est indispensable. Aussi, vu la durée longue retenue par la France, l’OPL est d’avis d’introduire une ,clause de revoyure à mi-contrat.

Par ailleurs, l’OPL de la CR estime que les contrats ne doivent pas être rendus marchands, et encore moins spéculatifs. En effet, cela viendrait « casser » le travail des OP dans la régulation des volumes, avec un traitement différent entre producteurs livrant une coopérative ou un industriel privé. De même, il apparaîtrait totalement aberrant de faire payer un candidat à l’installation. Quoi qu’il en soit, la valeur de l’exploitation sera le reflet de ses capacités de production (bâtiments, mécanisation, foncier..). L’OPL de la CR ne s’oppose toutefois pas à la cessibilité des contrats.

Le rôle des OP

Pour qu’une OP soit agréée, il faut qu’elle compte au moins 200 adhérents ou justifie d’un volume minimum de 60 millions de litres de lait commercialisé.

Un demi-poste administratif doit être créé, ce qui pour l’OPL de la CR est insuffisant. Ce sont des postes de négociateurs, type courtiers, qui doivent être encouragés pour renforcer le rôle de négociation des OP, à une fréquence suffisante, semestrielle au minimum.

Seuls les producteurs de lait livrant à un industriel privé peuvent adhérer, soit uniquement 45 % des éleveurs français ! Beaucoup ont immédiatement signé le contrat proposé par leur client ! Difficile aussi, pour certains, de ne pas adhérer à l’OP verticale liée à cet industriel qui dans beaucoup de cas, réservait un traitement différent à défaut d’adhésion à l’OP (pénalité si dépassement de référence…). Malgré cela, seul un tiers des producteurs livrant au secteur privé serait en OP. Pour une adhésion totale des producteurs, une incitation financière ou une obligation de l’État nous semble indispensable. En parallèle aux OP verticales, il faut souligner la bonne initiative de création des OP horizontales comme les 3 France Milk Boards (FMB) par exemple. Le rapport du CGAAER sur la contractualisation valide le fait que ce type d’OP permet d’établir des conditions de négociation plus équilibrées, car ces OP entrent en négociation avec plusieurs industriels. Selon l’OPL de la CR, les OP horizontales devraient en plus, surtout en période de demande accrue, pouvoir négocier à la marge les volumes supplémentaires en faveur des industriels les plus offrants.

Néanmoins, les OP sont aujourd’hui trop nombreuses, souvent de trop petite taille, leurs périmètres de reconnaissance se chevauchant parfois. Un renforcement de l’action collective tant au niveau de l’entreprise que du territoire semble nécessaire. L’exemple de la Suisse montre à quel point le nombre et la division des OP ont nui à leur pouvoir de négociation. C’est pourquoi, il est indispensable que les OP se regroupent au sein d’un bassin en une AOP de bassin pour discuter de la stratégie de filière. Par ailleurs, même si la loi prévoit que seuls les syndicats représentatifs siègent dans les interprofessions, il convient que les OP-AOP soient aussi associées aux groupes de travail de l’interprofession laitière (Cniel) traitant des volumes, prix, contrats… signe d’un réel partenariat.

C’est notamment en ce lieu que sera suivi l’indice du PRM, et qu’en cas de remontée de celui-ci, une décision collégiale sera prise (pour ne pas voir les OP se mettre en concurrence, une offrant plus de volumes qu’une autre !).

Concernant la gestion des volumes, si un industriel valide auprès d’une OP des besoins supplémentaires, il doit alors garantir un prix associé à l’OP qui les répartit suivant ses propres règles de fonctionnement. Les OP doivent en outre connaître au moment de l’adhésion des producteurs leurs capacités de production maximales en termes de bâtiments, stockages, foncier… Ces besoins doivent s’inscrire dans une logique d’approvisionnement local (économie, environnement, traçabilité). Pour les installations, la demande de volumes supplémentaires doit non pas reposer sur un volume « forfaitaire » mais sur un projet économiquement et environnementalement viable et réaliste, présenté à l’administration (qui étudie déjà les dossiers pour la DJA ou les éventuelles demandes de subventions) et validé en Conférences de bassin, sous l’égide du Préfet de Région et dans lesquelles siègent les représentants des OP. L’administration s’assurera de la fiabilité des dossiers avec une réelle prise en compte des coûts de production réels, (non pas basés sur des moyennes, mais sur des références de coûts de construction par place de vache, des études qui montrent des pertes lors des regroupements de troupeaux…), d’une main d’œuvre suffisante et correctement rémunérée (> 1,5 SMIC).

Le passage par la Conférence de bassin se justifie d’autant plus qu’un jeune n’a pas à exposer sa situation économique et financière à une OP ou à un industriel.

Cas des coopératives

La coopérative a été déclarée OP de fait. Les associés – coopérateurs n’ont donc pu adhérer à l’OP de leur choix, ce qui est aberrant vu l’objectif recherché. Il est évident que les coopérateurs souffrent du manque d’information, de transparence, concernant notamment le prix du lait et la stratégie de l’entreprise. Seul le Conseil d’administration de la coopérative, même quand elle est multi-produits, prend toutes les décisions pour les producteurs, ainsi que pour la partie transformation.

C’est pourquoi, tout comme la coopération peut se permettre d’isoler certaines activités de transformation dans des structures privées, dans le cadre de la réglementation actuelle qu’il s’agirait de faire évoluer à terme, l’OPL de la CR propose que les coopérateurs puissent se faire représenter au sein de l’AOP de bassin qui ne négociera pas le prix (puisque la réglementation l’interdit aujourd’hui) mais qui proposera une vision stratégique et travaillera entre autres sur la régulation des volumes, comme dit au point 4.

En outre, il pourra s’agir d’une entité parallèle au Conseil d’administration de chaque coopérative et regroupant uniquement les producteurs de lait. Cela permettra d’inclure l’ensemble des coopérateurs dans le Programme de Responsabilisation face au Marché que nous proposons avec l’EMB. L’OPL de la CR est convaincue que ce programme de régulation permettra plus de transparence dans l’ensemble de la filière et sera également bénéfique pour les coopérateurs dans le cadre de leurs négociations (notamment de prix) avec la coopérative.

Enfin, sortir d’une coopérative relève quasiment de mission impossible. Les règles strictes conduisent souvent l’éleveur qui travaille « la tête dans le guidon » à laisser passer les délais requis et repartir pour 5 ans avec la coop qu’il avait décidé de quitter ! La clause de revoyure que nous proposons dans les contrats avec les industriels privés doit également exister pour certaines raisons à définir (changement de mode de production – du conventionnel au bio par exemple -, changement d’espèce tel que du lait de vache au lait de bufflonne, passage en vente directe,…).

Les pénalités de sortie anticipées appliquées suivant les statuts sont elles aussi méconnues des coopérateurs (en général, 10 % du chiffre d’affaires (CA) non réalisé en cas de départ la dernière année d’une période de 5 ans ou 5 % des CA cumulés non réalisés pour une période plus longue). Si la perte de coopérateurs pour une petite coopérative peut avoir des conséquences parfois importantes, l’impact pour les grosses coopératives est sans aucune mesure. Dans certaines régions de France, souvent des zones de déprise, les conséquences que doivent subir les coopérateurs dont le contrat se voit résilié sont encore pires. Cela doit être absolument revu ! La question relative à la récupération des parts sociales mérite aussi un examen complet, d’autant plus que l’activité consolidée des coopératives relève bien souvent davantage du privé que de la coopération.

Il existe d’autres types de fonctionnement, bien plus satisfaisants, en particulier en Allemagne. La France devrait suivre cet exemple et créer un dispositif dans lequel les coopérateurs seront autorisés à sortir de la coop pour créer seuls ou en groupe une structure de transformation et commercialisation de leur lait. Pour aller plus loin, on peut même imaginer qu’ils pourront revenir dans les deux ans s’ils le désirent, comme cela se passe dans certaines entreprises avec leur personnel (congé création d’entreprise d’un an, renouvelable une fois). De la même façon, certains producteurs pourront voir là une occasion de se lancer dans un projet de transformation, individuel ou collectif, avec moins de risques.

Régulation

La régulation de l’offre : c’est la seule solution de bon sens pour sortir de la crise. L’OPL de la CR estime à cet égard que ceux qui demandent plus d’outils pour couvrir les risques se fourvoient : il s’agit plutôt de travailler en amont pour empêcher les crises, à travers une vraie régulation.

Le projet que porte l’OPL de la CR pour le lait avec l’EMB, est le Programme de Responsabilisation face au Marché. Ce programme concret et de bon sens a été présenté dans le cadre de la Mission d’information sur l’avenir des filières d’élevage et figure en deuxième place des propositions retenues pour agir au niveau européen, après l’activation des outils de régulation existants. Un détail de son fonctionnement figure en annexe.

L’OPL de la CR espère que les partisans d’une véritable réforme en profondeur pour sauver notre agriculture, finiront par obtenir cette grande réorientation de notre PAC vers la régulation des productions et des marchés et ce pour l’ensemble des productions. D’ici là, l’OPL de la CR souhaite transmettre son analyse et ses propositions sur les mesures envisagées, en particulier l’article 222 de l’OCM, dans l’espoir assez ténu néanmoins que ces mesures suffisent.

L’OPL de la CR insiste pour que l’activation de l’article 222 ne vise pas comme objectif de stabiliser, mais bien de réduire la production. En outre, il est indispensable d’indemniser les producteurs dans ce dispositif : il serait en effet aberrant que, comme en 2009, ce soient les producteurs français qui assument l’ensemble de la réduction pour faire remonter le prix dans des fourchettes acceptables, alors que les pays d’Europe du Nord poursuivraient leur course aux volumes. La solidarité européenne en la matière a fait long feu…

L’OPL de la CR estime, en accord avec les autres organisations de l’EMB, que la réduction de la production européenne à obtenir doit être de l’ordre de 3 % pour qu’elle ait un effet réel sur le marché. La période d’application de ce dispositif de réduction devrait être de 6 mois, pouvant être prolongés de 6 mois supplémentaires. Bien entendu, l’application de ce programme suppose que si nous ralentissons la production, la protection aux frontières extérieures doit, durant la période concernée, être activée.

L’OPL de la CR serait pour appliquer une réduction obligatoire de la production afin d’obtenir le résultat recherché. Cette option ne pouvant être retenue, l’OPL de la CR avec les 19 organisations membres de l’EMB, préconise pour inciter les producteurs à réduire leur production individuelle, un système de bonus/malus. Son montant devrait être de 30 c€/kg pour être suffisamment attractif, dissuasif et efficace. Ce montant correspond aux coûts de production variables, mais aussi à la pénalité qui était appliquée en cas de dépassement des quotas (27,8 c€).

Le budget à prévoir au niveau européen serait de 1,35 milliards d’euros (3 % x 30 c€ x 150 milliards de litres), montant qui correspond aux 900 millions d’€ de super-prélèvements de la dernière campagne laitière avec quotas (pour éviter une surproduction) lesquels pourraient être complétés par la réserve de crise de plus de 400 millions d’€ en activant l’article 226 de l’OCM unique mais aussi l’article 221 (permettant des actes d’exécution d’urgence par la commission). Pour cet article 226, Il serait nécessaire de permettre le report du budget non consommé d’une année à l’autre. La répercussion sur le consommateur devrait en être quasiment indolore et l’amélioration des revenus des producteurs permettrait plus de recettes fiscales et sociales pour les Etats, tout comme une augmentation des prix à la consommation se traduirait par une hausse des recettes de TVA. En outre, ce budget servira à amenuiser celui consacré à aider les producteurs à subsister (UE, États).

Quant à la période de référence à considérer pour juger de l’évolution de la production, il existe plusieurs possibilités : moyenne des 2 dernières années, campagne laitière 2015 ou les 12 derniers mois. Pour les jeunes et les récents investisseurs, avec un projet de développement et ayant déjà acquis le cheptel, la production théorique de ce cheptel supplémentaire serait prise en compte.

Enfin, la réduction minimale de la production pour bénéficier de l’aide devrait être de 5 % avec par contre un maximum de 25%, pour ne pas précipiter le départ d’un grand nombre de producteurs.

L’OPL de la CR propose que des simulations soient faites à partir de la dernière campagne mais aussi de la moyenne des deux dernières années : une campagne sans quota serait ainsi intégrée. Les industriels laitiers (coopératifs ou privés) seraient chargés de calculer la référence de chaque producteur et d’appliquer la pénalité ou verser le bonus. L’administration serait chargée de procéder à des contrôles aléatoires sur la pertinence des calculs et des pratiques des industriels, qui seraient sectionnables.

Concernant les autres mesures de régulation évoquées :

Pour l’OPL de la CR, l’élargissement du stockage européen de la poudre de lait écrémé à 1700 € la tonne correspond à un prix du lait à 220 € la tonne et ne va donc pas enrayer la chute de prix printanière. Le doublement du volume à stocker (218 000 T de poudre de lait écrémé) correspond à 1 million de tonnes de lait supplémentaire (« réhydraté ») soit 0,7 % de la production annuelle UE, à mettre en regard avec les 7 % d’augmentation UE du début 2016…

En outre, l’OPL de la CR estime indispensable que la mise à l’intervention ne soit rendue possible que pour les industriels s’approvisionnant uniquement auprès des producteurs, sans passer par le marché, et à un prix obligatoirement supérieur ou égal à celui de l’intervention. En effet, avec un prix SPOT à environ 100 €/T, ce serait un effet d’aubaine (pour ne pas dire trafic) inouï qui viendrait casser d’emblée ce dispositif et ce, sur les deniers de l’UE.

Par ailleurs, la Task Force présidée par Cees Weerman travaille sur la contractualisation, la transparence des marchés, les marchés à terme, l’accès aux fonds d’investissement… mais tout cela, au mieux, n’atténuera que les variations de prix, sans en remonter le niveau moyen qui est plombé par le surplus d’offre et de stocks.

Le secteur laitier, fondamental pour nos territoires

L’agriculture, pilier de notre économie : il faut revoir le partage de la valeur ajoutée

Comme le dit l’Ania : « L’agroalimentaire constitue le premier secteur industriel français aussi bien en termes de chiffre d’affaires que d’emplois », mais aussi « En 2013, les 11 852 entreprises du secteur ont réalisé un chiffre d’affaires de 160,5 milliards d’euros et employaient près de 500 000 personnes réparties sur tout le territoire national. L’agroalimentaire joue un rôle clé dans l’aménagement et la vitalité du territoire puisqu’il transforme 70 % de la production agricole française. Le secteur constitue également un précieux soutien à la balance commerciale du pays puisque cette même année il a généré un excédent commercial de près de 8,5 milliards d’euros. » (source : site internet de l’Ania). Si ce secteur se porte bien, c’est loin d’être le cas de l’agriculture française dans son ensemble, en particulier pour les éleveurs. Le constat est désormais unanime : les agriculteurs continuent de devoir vendre à perte et nombreux sont ceux qui mettent la clé sous la porte ou qui résistent par perfusion d’aides aléatoires.

A ce stade, on peut légitimement s’interroger sur le partage de la valeur ajoutée tout au long de la filière, et l’Observatoire de la formation des prix et des marges des produits alimentaires nous aide à y voir plus clair sur les marges entre les différents maillons, les agriculteurs en restant l’éternel « parent pauvre ». Au-delà de la recherche des responsabilités qui peuvent donner lieu à polémique (bien que les affirmations de l’Ania ci-dessus donnent des éléments de réflexion…), il est évident que si l’agriculture sombre, on peut craindre que l’ensemble de l’agro-alimentaire chavire ce qui poserait beaucoup de souci à l’économie française et à notre balance commerciale.

Il s’agit de s’interroger sur la longévité d’un tel système, tant d’un point de vue économique, social, qu’environnemental. L’industrialisation de l’agriculture ne suffira pas, avec les agriculteurs disparaîtront une partie des emplois liés aux services, tandis que l’industrie agroalimentaire et le commerce seront encore plus dépendants des importations, aussi destructrices d’emplois ! Il est donc indispensable de prendre des mesures fortes pour enrayer le phénomène, mais cela doit s’appuyer sur un diagnostic bien réalisé, qui doit notamment tenir compte des mécanismes qui nous y ont menés.

Le secteur laitier, fondamental pour nos territoires : déréguler et baser sa stratégie sur le marché mondial sont des erreurs majeures

Le secteur laitier avec la disparition récente des quotas est un bon exemple pour comprendre en quoi la dérégulation d’un secteur et le fait de baser sa stratégie sur le marché mondial sont des erreurs majeures. Non seulement les écarts de qualité et de coûts de production (qui sont intimement liés) y sont sans commune mesure, mais en outre la concurrence imposée aux éleveurs ne peut jamais leur bénéficier : ils ne peuvent pas acheter les produits vétérinaires identiques mais moins chers dans un autre État membre (sauf à se retrouver au tribunal), ils doivent s’approvisionner en intrants dans leur coopérative s’ils sont coopérateurs,…

Quand les éleveurs laitiers disparaissent, c’est l’ensemble de nos territoires qui sont touchés. Que deviendront les prairies que la PAC veut sanctuariser ? Obligera-t-on un repreneur à conserver des prairies et donc à avoir une activité d’élevage, même si celle-ci n’est pas rentable ? Que deviendront les emplois qui y sont liés (dont ceux des services) ? Les MAE ne sont pas une solution viable ni durable : elles ne seront jamais pérennisées, comme tant d’autres mesures avant.

Les éleveurs qui ont cru dans la conquête du marché mondial ont réalisé des investissements pharamineux et auraient dû les amortir grâce aux gains réalisés. Aujourd’hui, ce sont les premiers à déposer le bilan.

La déséquilibre des marchés joue sur les cours

Le déséquilibre du marché mondial entre l’offre et la demande joue de manière erratique et à la baisse sur les cours des produits laitiers. Finalement, bien qu’une partie « modeste » (10 %) de la production laitière européenne y soit échangée, c’est bien le marché mondial et ses cours qui servent de référence en matière de prix du lait pour les industriels européens, qui pour certains, ont fait le choix de produits à faible valeur ajoutée. La production néo-zélandaise qui ne représente que 3 % de la production mondiale, impose ses prix alors quelle est incapable d’assurer les demandes de l’ensemble du marché.

Le rôle des surplus européens dans ce déséquilibre mondial est majeur : pour un marché mondial de l’ordre de 60-65 MT et une croissance de la demande de l’ordre de 2 MT par an, le surplus de production européen de 10 millions de tonnes (MT) en 2014 et 2015, équivalent à 5 années de demande, explique l’importance des stocks. Chacun (pays, région, producteur) espère tenir un peu plus longtemps que les voisins pour ramasser la mise après le désastre…

L’UE doit adopter une autre stratégie et baser sa production sur un marché plus équilibré, à condition qu’il soit solvable et rémunérateur : le marché européen semble tout désigné, le marché extérieur pouvant venir en complément pour les éventuels surplus, à condition qu’il permette d’apporter une valeur ajoutée aux producteurs. Mais pour cela, il s’agit de convaincre l’ensemble des pays de l’Union ce qui n’est pas simple, quand on réalise que les pays d’Europe du Nord produisent à tout-va depuis la fin des quotas. Selon l’Observatoire européen du marché laitier, la production continue de flamber : + 7,6 % en janvier-février (2016/2015), dont l’essentiel vient des pays du Nord (7 dépassent les 10 %, l’Allemagne étant à près de 8 %). Et ce mouvement n’est pas prêt de ralentir pour compenser les prix bas sur le marché par les volumes. Le cercle infernal se poursuit. Aucune perspective d’offre à la baisse n’est par ailleurs à attendre des grands pays exportateurs (États-Unis, Nouvelle-Zélande, Australie…), et la Chine qui est un acheteur majeur investit dans sa propre production. Ainsi, aucun sursaut de prix n’est à attendre, sauf en cas d’accident climatique majeur. Mais peut-on baser toute une stratégie sur un tel aléa : bien évidemment, non !

Par ailleurs, les projets d’accords de libre-échange s’annoncent encore plus destructeurs…

La responsable de la section

Sophie LENAERTS

Éleveuse laitière à Roy-Boissy (60)

Responsable de la section Lait

« J’ai toujours été convaincue que la régulation des productions serait notre meilleur atout car, comme l’ont démontré les crises de 2009 et 2016, c’est le seul outil qui permet aux éleveurs d’obtenir un prix rémunérateur. À la section Lait de la CR, nos objectifs sont clairs : permettre à chaque éleveur laitier de vivre dignement de sa production et défendre la souveraineté alimentaire de la France, de l’Europe à travers la protection de nos marchés via l’exception agriculturelle ! »