Présentée comme le plus grand campus agricole du monde, l’école Hectar ouvrira ses portes en mars 2022 dans les Yvelines. Ne délivrant aucun diplôme aux élèves au terme de leurs trois années de cursus, cette école soulève de nombreuses questions, notamment sur l’origine de ses financements et sur les objectifs de ses inspirateurs. En effet, parmi les promoteurs de ce projet figurent le richissime homme d’affaire Xavier Niel, qui a fait fortune dans les télécommunications (Free) et s’est récemment découvert une passion pour l’agriculture, ainsi qu’Audrey Bourrolleau, ancienne conseillère agriculture d’Emmanuel Macron à l’Élysée.

Cette école gratuite pourrait à terme accueillir 2 000 étudiants par an sur un domaine de 600 ha (240 ha de forêt et 370 ha de terres cultivées) comprenant une ferme-laiterie qui produira, à l’aide de 60 vaches normandes, 200 000 litres de lait bio transformés à la ferme.

Ce projet suscite déjà la colère des établissements d’enseignement agricole, qui déplorent la création de toute pièce d’un nouvel établissement, alors que ce budget aurait tout aussi bien pu servir à financer le réseau d’enseignement agricole existant.

Xavier Niel, l’homme qui défend le Référendum pour les Animaux

Il peut paraître surprenant de retrouver un magnat des télécoms aux manettes d’une école d’agriculture, les deux domaines n’ayant a priori rien en commun, hormis peut-être les opportunités d’affaires qu’ils offrent.

Xavier Niel s’était pourtant déjà illustré en soutenant énergiquement le Référendum pour les Animaux, projet également porté par L214. Lancé à grand renfort de communication début juillet 2020 par le journaliste anti-spéciste Hugo Clément, le RIP animaux proposait notamment l’interdiction de l’élevage en cage. La Coordination Rurale s’était déjà interrogée sur les motivations du PDG de Free, soudainement habité par une compassion si spontanée pour le prétendu « terrible sort » qui serait réservé aux animaux d’élevage.

Cette attaque d’une violence inouïe contre l’élevage ne visait qu’à salir le travail des éleveurs et à persuader les Français que le bien-être animal n’était pas leur première préoccupation. Cette campagne de communication mensongère a au moins réussi à faire la promotion des substituts végétaux à la viande. La nature ayant horreur du vide, détruire un système permet d’en reconstruire un autre, et ça, Xavier Niel l’a bien compris.

Comme souvent, la vérité se cache dans les détails. En effet, Xavier Niel est également à la tête du fond d’investissement « Kima Ventures », qui finance des entreprises fabricant des alternatives à la viande. Parmi celles-ci se trouve l’entreprise « Les Nouveaux Fermiers » qui utilise les codes de la viande dans l’objectif de vendre des substituts végétaux aux produits carnés.

Cette situation n’est pas sans rappeler celle d’outre-atlantique, où les GAFA financent à coups de millions de dollars le développement de la viande in-vitro et les entreprises qui développent des alternatives végétales, tout en faisant de très généreux dons à des associations antispécistes telles que L214.

Alors qu’il s’est propulsé à la tête de l’école agricole Hectar, il est légitime de se demander à quoi joue vraiment Xavier Niel ? Ce projet ne serait-il pas l'occasion pour l'homme d'affaire de faire prospérer ses investissements dans les alternatives végétales ? Ou bien serait-ce d'avoir un accès privilégié sur du foncier agricole en aidant ses élèves à l'installation ? Des questions subsistent.

Danone finance la ferme laitière

Comme énoncé ci-avant, le campus de l’école Hectar a ouvert sa ferme-laiterie « pilote ». « La laiterie des Godets » produira du lait destiné à la transformation, sur place, de fromages et de yaourts vendus en direct à la « ferme ». L’annonce de l’ouverture de cette« ferme », le 8 juin dernier, est venu apporter de nouveaux éléments sur le financement de ce projet : l’entreprise Danone, via son fonds « Danone pour l’Ecosystème », est partenaire de l’école et lui a versé un montant qui n’a pas été communiqué.

Du côté des éleveurs laitiers sous contrat avec l’industriel, ce partenariat intrigue. En effet, alors que le prix du lait ne couvre toujours pas les coûts de production des éleveurs, Danone s’achète une image vertueuse en participant au financement de cette école.

La chute spectaculaire du nombre de fermes laitières en France, et du manque d’attractivité du secteur sont pourtant des problèmes majeurs à résoudre rapidement. L’attractivité du métier d’éleveur laitier reste cependant extrêmement corrélée aux revenus, insuffisants à cause de prix du lait trop faibles.

Plutôt que de « miser » sur l’avenir et la formation de nouveaux éleveurs et d’investir des sommes considérables dans cet établissement, Danone devrait en premier lieu augmenter son prix d’achat du lait, car les éleveurs qui sont en activité aujourd’hui sont en train de disparaître faute de rentabilité économique !

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