Dès 1991, les fondateurs de la Coordination Rurale avaient compris que la réforme de la politique agricole commune serait catastrophique. Face à cette menace, la main tendue à tous les acteurs de la ruralité s'était faite avec un seul mot d'ordre : « tous unis ». Malheureusement, les intérêts privés ont vite pris le pas sur l'intérêt collectif et les organisations ont laissé la CR, se disant qu'elle disparaîtrait. C'était sans compter sur la puissance des convictions et l’opiniâtreté de ses fondateurs : aujourd'hui nous sommes le second syndicat agricole français et nous sommes le syndicat exclusivement au service de tous les agriculteurs avec pour devise : « Servir et non se servir ! »

Depuis 1991, sans faillir, nous défendons toujours les mêmes sujets, avec des slogans intemporels :

  1. Les prix rémunérateurs : « Nourrir les hommes mérite un digne revenu », « des prix pas des primes »
  2. La fin du libre-échange agricole : « l'exception agriculturelle », le retour aux fondamentaux de la PAC avec la préférence communautaire
  3. La libre-entreprise : « Sans semence, pas de paysan », « l'eau de l'hiver pour l'été », mais aussi l'insémination libre
  4. Le maintien d'un tissu rural dense et l'arrêt de la surenchère administrative : « Sauver la ruralité, plus un agriculteur de moins », « Contrôles : non à l'inquisition »

L'un des pères fondateurs de la CR, Jacques Laigneau, qui était très croyant et ardent défenseur de la dignité humaine, affirmait que : « cela serait une catastrophe si les paysans disparaissaient : l'agriculture, c’est cultiver la vie … il faut résister à ceux qui veulent faire de nous les prisonniers des industriels ». Quelle clairvoyance ! 25 ans après, quelle fierté d’appartenir à la Coordination Rurale mais que de défis et de combats à mener !

Les trois compères, tous 3 issus de la campagne gersoise, sont restés fidèles à leurs idéaux et à la Coordination Rurale jusqu'à aujourd'hui. Jean-Paul Couvreur nous a quittés voilà 15 jours bientôt, et Philippe Arnaud, désormais retraité, a fondé et fait croître une vraie coopérative céréalière, Agrodoc. Cette dernière fonctionne tellement bien qu'elle doit aujourd'hui refuser des agriculteurs pour pouvoir maintenir les bons revenus procurés à ses coopérateurs.

Aujourd’hui, notre agriculture se meurt dans la colère, la souffrance et le désespoir sans aucune réponse de nos politiques. Nous en avons marre des technocrates européens et des bureaucrates français. Nous voulons l'arrêt de la surenchère administrative, la remise à plat de toutes les normes, pour que nous puissions enfin travailler sereinement. Aujourd'hui, nous ne savons plus quand nous enfreignons la loi puisqu'elle est tellement complexe que nous faisons forcément des erreurs. J'en reviens à nos slogans : « Des prix, pas le mépris ! » et « Foutez nous la paix, laissez-nous travailler ! »...

Le projet de la PAC est intolérable, celle-ci a une approche uniquement budgétaire axée essentiellement sur une surenchère environnementale. Aucune régulation des productions et des marchés ne vient protéger de la concurrence mondiale. Il n’est plus mentionné que les agriculteurs doivent vivre du fruit de leur travail. Pourtant, cela faisait partie des objectifs du Traité de Rome.

Depuis plusieurs années, en dehors des questions de PAC, nous avons deux revendications très fortes :

  1. Sortir l'agriculture des griffes de l'OMC en faisant reconnaître l’exception agriculturelle : défi du 21ème siècle pour une agriculture prospère tant économiquement que socialement.
  2. Régler le problème du coût de la main d’œuvre en France tout en maintenant notre protection sociale : la Coordination Rurale porte depuis 1997 le projet de la TVA sociale qui consiste à financer la protection sociale par la consommation. Celle-ci pourrait être un outil pour éviter des distorsions de concurrence par rapport à l'ensemble de nos concurrents directs.

Mais que dire de ce vieux syndicat de cogestion et de collusion, pris à ses propres turpitudes ? La FNSEA reprend désormais à son compte nos slogans en les balbutiant, sans grande conviction, idem pour une pâle copie de notre projet de la TVA sociale. A quand la fin du double discours ?! Le syndicat majoritaire ultra-libéral défend surtout l'industrie agroalimentaire et donc sa seule préoccupation est le maintien des volumes de production. Il y a un gigantesque fossé entre les revendications de la base entendues lors des manifestations et les solutions négociées au niveau national par ses dirigeants !!!

Nos politiques font de beaux discours sur la ruralité. Mais que font-ils pour éviter la désertification de nos villages avec la fermeture des bureaux du service public, des magasins de proximité, des lieux de culte, etc. ? Que font-ils pour mettre fin au génocide d'une profession ? Veulent-ils un changement de civilisation ? Le monde agricole porte toujours des valeurs de fraternité, de liberté, d’égalité, d’entraide et de partage. Ces valeurs doivent-elles disparaître au profit d’un monde d'argent, de mensonges, de troubles et de tensions ? Veulent-ils un monde où la finance érigée en nouvel ordre mondial serait au-dessus des Hommes ?

Aujourd’hui, à la Coordination Rurale, nous souhaitons que les consciences se rallient. Malgré une crise qui nous anéantit, nous voulons stopper l'immobilisme et la résignation d'une majorité d’agriculteurs. Nous ne pouvons pas accepter que des agriculteurs et des agricultrices deviennent des serfs modernes et qu’ils courbent l’échine. La France est un pays avec des racines profondément paysannes, même si nous sommes de moins en moins nombreux (seulement 515 000 exploitations agricoles en 2015 : en 20 ans, leur nombre a baissé de plus de la moitié).

A vous agriculteurs, agricultrices, jeunes agriculteurs et retraités : certains d'entre nous se sentent légitimement abandonnés, broyés par le système, sans perspectives du lendemain. Les suicides en agriculture sont trop nombreux. Il est urgent de prendre votre destin entre vos mains et de nous rejoindre, pas seulement en tant que sympathisant, mais en tant qu'adhérent impliqué et motivé, en donnant juste un peu de votre temps pour l’intérêt général. A vous, les déçus de la FNSEA, les rebelles des JA, rejoignez notre syndicat 100 % agriculteurs aux valeurs de sincérité et de vérité. Vos voix doivent s’élever avec la Coordination Rurale, syndicat indépendant de tout lien économique ou idéologie politique, pour défendre notre si beau métier. Il nous faut réclamer du respect, de la dignité, de l’autonomie pour tous les paysans responsables que nous sommes. Nos pères fondateurs nous ont ouvert la porte, tracé le chemin. Nous en sommes les témoins et possédons les clefs de notre avenir.

Max Bauer, Président de la CR PACA, CR83 et de l’UNIPHOR

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