La douzième édition du colloque de l’OPL (Organisation des producteurs de lait) de la CR s’est tenue le 04 avril à Bagnoles de l’Orne, en Normandie, sur le thème central de l’installation-transmission.

À l’heure où 50 % des éleveurs laitiers seront, dans 10 ans, partis à la retraite, et que 43 % du cheptel bovin laitier était détenu en 2016 par des plus de 50 ans, il est urgent de rendre la priorité à la transmission et à l’installation.

Le thème de la journée a suscité l’intérêt, et ce sont 120 éleveurs et professionnels agricoles qui ont fait le déplacement afin d’assister aux différentes interventions. Parmi eux se trouvaient de nombreux jeunes, dont une classe de la MFR de la Ferté Macé (61), qui ont pu prendre part aux débats.

Un renouvellement insuffisant

Après l’ouverture du colloque par Yvette Lainé, présidente de la CR Normandie, et de Bernard Lannes, président national de la CR, une présentation de la ferme laitière France à l’horizon 2025 fût dressée par Véronique LeFloc’h, secrétaire générale et responsable de la section Lait de la CR.

Entre 2000 et 2016, la filière laitière française a perdu, malgré les installations, plus de 1 000 exploitations laitières spécialisées chaque année (plus de 1 500 en 2015) et plus de 2 000 non salariés par an, soit deux unités de main-d’œuvre par exploitation perdue. En parallèle, il n’a été créé que 80 emplois permanents par an sur toute la France (39 en 2015 et 55 en 2016). Ainsi, si l’on projette ces tendances à l’horizon 2025, il restera 30 000 exploitations spécialisées lait, soit une diminution de 25 % par rapport à 2016, et environ 20 000 non salariés en moins. Véronique Le Floc’h précise que « quatre milliards de litres de lait et un million d’hectares pourraient être libérés ; la production sera-t-elle maintenue si les prix ne suivent pas pour rémunérer le travail et la création d’emplois nécessaires et surtout si le seul intérêt est celui des industriels ? ».

Le représentant de la section Jeunes de la CR, Joris Miachon, est ensuite intervenu pour rappeler le contexte de l’installation en élevage laitier. Le nombre d’exploitations disposant d’une référence laitière est passé de 120 000 à 60 000 entre 2000 et 2016, avec une perte de 50 % des actifs. En 2016, les exploitations laitières étaient dirigées pour 20 % par des moins de 40 ans. Les freins identifiés sont d’ordre structurels (accès au foncier, taille des exploitations à reprendre, dispositifs d’aides et parcours inadaptés…), économiques (coût de la reprise, perspectives de résultats, financement bancaire,…) et sociaux (attractivité du métier, vivabilité et intégration des hors cadre familiaux).

Les propositions concrètes à mettre en place sont une revalorisation et une équité de l’aide DJA et un parcours simplifié, le cautionnement des prêts à l’installation et des prix rémunérateurs liés à une régulation des productions, sans quoi l’installation, l’investissement et la transmission ne pourront se faire ! « Si l’on vit de notre métier, on peut facilement résoudre les problèmes d’environnement, de foncier et surtout d’attractivité ! » a t’il pu lancer à l’assemblée.

Témoignages

Joris Miachon était accompagné de Paul Lefranc, jeune installé en février 2019, qui a pu témoigner des difficultés qu’il a pu rencontrer dans son parcours d’installation, et a notamment pointé la nécessité de bien anticiper les coûts imprévus qui peuvent au bout du compte représenter une somme importante. Jacques Lepeltier, éleveur laitier retraité depuis 2008, a quant à lui pu aborder le sujet sous l’angle de la transmission, et des démarches qui pouvaient être très longues pour « trouver » un repreneur. Le cadre de la vente doit être bien déterminé, une communication transparente avec le repreneur doit être établie et l’intérêt des deux partis doit être respecté.

La transmission, un projet à mûrir

L’ordre des experts comptable de Normandie, représentée par Céline Sibout, a ensuite abordé la question des avantages et inconvénients de l’investissement avant la transmission d’une exploitation laitière, déclinée en plusieurs étapes. La première est que le cédant doit mûrir son projet, notamment en terme de date, de repreneur ou de revenus post-transmission. La seconde est la valorisation de l’exploitation, avec comme conseil l’appel aux services d’un expert foncier pour évaluer les bâtiment et le foncier, voire même les autres actifs immobilisés tels que le matériel ou les animaux. D’autres points portant sur la fiscalité, la TVA ou les baux ont également pu être présentés et approfondis dans le débat qui s’en est suivi.

Table ronde entre OP : installation et contractualisation

L’après-midi du colloque s’est articulée autour d’une table ronde regroupant des représentants d’organisations de producteurs : Emmanuel Binois (FMB Grand-Ouest), Charles Deparis (OP Gillot), Denis Jehannin (FMB Grand-Ouest), Damien Lecuir (OP des 3 Vallées Danone), Christophe Voivenel (FMB Normandie) et de laiterie avec Rémi Lescène, représentant de Savencia. Sur la question de la politique d’attribution des volumes pour les jeunes installés, Rémi Lescène de Savencia indique que « les candidats doivent générer un dossier technique et économique de leur situation, qui est étudié et les volumes sont attribués en fonction ». Charles Deparis de l’OP Gillot a mis l’accent sur l’importance que met sa laiterie à générer du lait de qualité, qui servira par la suite à l’élaboration de fromages sous signes de qualité.

Le bilan de la moyenne d’âge des éleveurs laitiers fût ensuite exposé, auquel Christophe Voivenel de FMB Normandie réagit « concentrons nous aussi sur les éleveurs de moins de 50 ans et qui arrêtent leur profession. La situation est aussi alarmante de ce côté là ». Emmanuel Binois de FMB Grand Ouest a rappelé que les prix payés n’ont pas suivi l’inflation, et les industriels ont profité de cette dévaluation du lait pour conquérir des marchés exports non rémunérateurs pour les producteurs. Enfin, la question du lait bio a fait consensus chez l’ensemble des intervenants : l’offre ne répond pas encore, à l’heure actuelle, à la demande.

Joseph Martin, représentant de la CR à l’interprofession laitière, a pu faire un point sur les coûts de production validés par le Cniel fin 2018 à 396 €/1000L « qui représentent 422 €/1000L en moyenne sur 5 ans. Nous ne sommes pas utopiques avec nos revendications à 450 €/1000L payés sortie ferme, nécessaire pour couvrir les coûts de production des éleveurs. »

Sophie Lenaerts, éleveuse dans l’Oise et représentant de la CR à l’European Milk Board (EMB) a ensuite présenté les missions de l’organisation européenne et les enjeux internationaux qui y sont traités, notamment celui de la poudre de lait engraissée à l’huile de palme exportée par l’UE en Afrique de l’Ouest, qui détruit l’agriculture locale de ces pays. Une semaine de solidarité est d’ailleurs prévue du 8 au 12 avril avec le slogan « n’exportons pas nos problèmes », et une action prévue le 10 avril à Bruxelles.

Cliquez ici pour télécharger la présentation diffusée pendant la journée.

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