En août dernier, en parlant de la crise laitière avec Daniel Roguet, président de chambre d’agriculture de la Somme, je lui faisais part de l’initiative Faire France, inconnue de lui et ignorée des chambres. Lui m’informait qu’au niveau régional, les chambres d’agriculture et le Conseil régional travaillaient « activement » à la création d’un "label" lait des Hauts-de-France. Il m’a prôné l’unité afin de trouver des solutions pour ne pas continuer à aller dans le mur !

Sans nouvelle durant des mois, je tombe au mois de février sur un article du journal Le Parisien intitulé « Leclerc joue local ». J’apprends donc que Leclerc a déposé à l'Institut national de la propriété intellectuelle (Inpi) le logo « Les éleveurs des Hauts-de-France » et mis en place un partenariat avec deux coopératives de 800 éleveurs à Saint-Pol-sur-Ternoise (Pas-de-Calais) et 650 éleveurs à Braisnes (Aisne) pour produire environ 12 millions de litres par an. Les éleveurs seront rémunérés 340 euros la tonne, soit 34 centimes le litre. Mais qui est à la manœuvre ?

Un peu surpris - le mot est faible -, je me rapproche à nouveau de mon président de chambre de la Somme et lui demande des précisions sur la valeur ajoutée prévue en retour aux éleveurs. Surpris lui-même, il m’indiquait alors ne pas être du tout au courant de cette démarche et qu’il allait se renseigner.

Avec un collègue, nous essayons de nous rapprocher du président de la chambre d’agriculture des Hauts-de-France, Christophe Buisset : « pas trop le temps » et « la filière laitière est mal organisée ». Dans les jours suivants, lors d’une réunion, j’évoque le sujet en public au président de la commission Agriculture au Conseil régional des Hauts-de-France, Jean-Michel Serres, qui n’est pas au courant non plus. Continuant de me renseigner, j’apprends que le président de section laitière départementale du Pas-de-Calais était informé depuis le début de l’initiative puisqu’il s’est lui-même rapproché d’une coopérative pour fournir le lait en question. Problème : pour commercialiser son lait, la coopérative laitière doit passer par l’entité qui regroupe les coopératives produisant du lait UHT au niveau national « Orlait », ce qui devrait la mettre en position de force pour les négociations d’un lait régional qu’elle est la seule à pouvoir proposer. Y-a-t-il eu des négociations pour proposer un prix si bas ? Une marque régionale ne devrait-elle pas tirer les prix vers le haut ?

En 2015, suite à un début de crise laitière nationale, les grandes et moyennes surfaces se sont engagées à garder des prix d’achat aux transformateurs en 2015 comme en 2014 sur la base d’un prix éleveur à 340 euros, puis se sont engagées à ne pas baisser en 2016. Quel est donc l’intérêt de créer et surtout de s’engager dans une marque régionale au prix standard sans ramener de valeur ajoutée aux éleveurs ? Le but d’une marque régionale ne devrait-il pas être de tirer les prix vers le haut ?  Il ne manque décidément plus qu’une photo des éleveurs sur la brique !

De nombreux articles et de récentes initiatives montrent que les consommateurs sont prêts à mettre quelques euros en plus à condition qu’ils soient sûrs, qu’il y ait un retour aux producteurs, gage d’une économie locale dynamique, mais cette initiative ne profitent pas toujours aux producteurs. Dès lors, à qui profitent-elles ? Depuis presque un an, la région des Hauts-de-France a financé des audits auprès d’agriculteurs volontaires réalisés par des organisations professionnelles agricoles sur des bases de tarifs horaires dix fois supérieurs à l’heure de travail qu’un éleveur laitier pourrait espérer pour 2015, 2016 ou 2017. Peut-être serait-il utile, voire nécessaire, de prévoir des audits dans certaines de ces OPA pour voir si elles s’appliquent simplement à elles-mêmes les conseils qu’elles donnent ou sont censées donner aux éleveurs… Si chacun attend tout le monde et tout le monde attend chacun, personne n’y arrive ! Quand on arrive face au fameux mur, au lieu de compter les briques au fur et à mesure qu’il se monte, il est préférable de se faire la courte échelle pour passer au-dessus ! Producteur laitier, lève-toi ! Michel Billaud Éleveur laitier souhaitant le rester...

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