12e étape du Tour de France entre Pau (64) et Peyragudes (65) et halte chez Gabriel, 36 ans, 4e génération d’agriculteurs sur la commune de Saint-Martin (65). Agriculteur et salarié dans le BTP, il fait partie à la fois de ceux que l’on appelle les « doubles actifs » et de ceux qui ont fait le choix du retour à la terre.

Quel a été ton parcours ?

Bien que n’étant pas fils d’agriculteur, je suis la quatrième génération d’agriculteurs de ma famille sur ces terres. Enfant, je venais dès que je le pouvais passer du temps avec mon grand-père pour participer aux travaux de la ferme. Je n’ai que 36 ans, mais j’ai connu l’élevage du cochon et des canards pour la consommation familiale, la fabrication d’eau-de-vie à la ferme… J’ai toujours aimé ça. Ma famille, en revanche, ne m’a jamais encouragé dans cette voie. J’ai tout de même choisi de faire mes études dans le milieu équin, à Paris, pour ensuite revenir au pays. Je ne pouvais pas me résoudre à ce que l’exploitation familiale disparaisse. J’ai une très petite structure : un troupeau d’une vingtaine de brebis Suffolk, 8 hectares et des bâtiments autoconstruits. Je travaille avec mon oncle, lui aussi double actif et bientôt retraité. Je suis cotisant solidaire à la MSA, et je commercialise localement pour une clientèle d’habitués. Bien sûr, j’ai un travail à côté, dans le BTP, pour assurer un revenu (et parfois aussi investir dans la ferme), mais le travail à la ferme, tous les matins et tous les soirs, c’est mon équilibre. C’est indispensable.

La double activité, est-ce un choix ou une nécessité ?

On peut dire les deux… D’un côté, obtenir la surface nécessaire pour dégager une activité suffisante est très difficile ici. Nous ne sommes pas encore en zone de montagne, et les terres sont très convoitées. Ici, être double actif est très courant : sur la commune, il y a deux agriculteurs à temps plein, et 5 doubles actifs. La faute en revient à l’absence de terres libres mais aussi aux faibles perspectives de revenu. De l’autre, je ne suis pas sûr de vouloir m’engager dans le contexte actuel : il me faudrait 40 à 60 hectares pour un troupeau de 200 à 300 brebis, d’autres bâtiments... A l’heure actuelle, je fais ce que j’appellerais du « travail à l’ancienne ». J’ai peu d’animaux, que j’élève de façon traditionnelle, et je vends à des personnes que je connais. Je fais de la qualité en petite quantité. Je sais bien que ce n’est pas dans l’air du temps.

Comment vois-tu l’avenir de ta ferme ?

Quand mon oncle sera également retraité, je serai seul sur l’exploitation. Si j’avais la possibilité de reprendre des terres en fermage pour les acheter d’ici une dizaine d’années, je le ferais. Ici, les agriculteurs se battent pour la moindre parcelle de terre, pour du foin sur pied… Par nécessité car le montant des investissements et le faible revenu les y obligent. Ils sont plus ou moins les victimes d’un système qu’ils alimentent. Pour ma part, je ne veux pas m’engager dans un gros projet et me retrouver à participer à cette course à l’agrandissement. Je préfère aller faire un crédit tout seul à la banque, monter mon projet, et ne rien devoir à personne. Quand je me suis installé, je pouvais obtenir des aides, mais je n’en ai pas voulu : je ne veux pas être lié par des engagements que je n’ai pas voulu.

Qu’est-ce qui t’a amené à militer au sein de la CR ?

D’abord, je suis convaincu que si on enlevait les aides et la PAC et que l’on payait les productions à leur juste valeur, ce serait la meilleure des solutions. Ensuite, pour moi, la CR est un groupe où l’on peut parler librement, où l’on peut aider ou être aidé sans qu’il n’y ait de contrepartie exigée. Je connais Michel Jouanoulou depuis longtemps et je sais qu’il travaille à défendre des valeurs qui se perdent, à la reconnaissance de tous les agriculteurs et de toutes les agricultures. C’est l’avantage de notre « pacte » : apolitiques, égaux, quelle que soit notre place au sein du syndicat. Après, nous travaillons avec les moyens du bord, mais à force de pousser, on arrive à se faire entendre, à récupérer des places dans les bureaux. En tant que simple adhérent, je participe aux réunions départementales. J’ai en projet de mettre en place des achats groupés pour négocier les prix des appros, parce que de par mon métier, je sais démarcher, négocier. Chacun met ses compétences au service du syndicat. Je veux que l’on soit visible auprès des jeunes agriculteurs, dans le département et la région : nous allons participer au Festival du Non Labour et Semis Direct dans le département, à Innov-agri pour la région… La CR dans le 65 se met à disposition pour répondre aux demandes jeunes agriculteurs, les défendre. Parce qu’aider les jeunes, ce n’est pas organiser des fêtes mais réfléchir à son travail, s’organiser…

Dans la même catégorie

Occitanie
CR 65
Occitanie
Occitanie