Texte adressé par Jean-René Gouron aux agents de la chambre d'agriculture de la Vienne, par l'intermédiaire d'un agent licencié.

Bonjour à tous,

Je dis au revoir aux collaborateurs, qui n'ont pas choisi de quitter la chambre d'agriculture de la Vienne.

Des collaborateurs qui paient le prix d'une gouvernance qui n'a pas su prévoir, qui n'a pas su voir, qui n'a pas su entendre.

Il est difficile d'admettre qu'il soit possible de perdre 14 postes sans signes précurseurs...

Le 31 janvier dernier, lors de la réunion d'explications, un membre du bureau a déclaré : « Nous étions dans un certain confort, nous n'avions pas de raison de nous inquiéter... »  Tout est dit.

Pour ma part, je me rappelle d'une conversation avec un haut cadre de l'entreprise Siemens. Celui-ci m'avait indiqué entre autres : "C'est lorsque les choses vont bien qu'il faut le plus se méfier". Nous sommes là aux antipodes de la réflexion du membre du bureau...

Concernant le manque d'anticipation, j'y vois trois raisons :

La première, c'est que depuis que les chambres d'agriculture existent, ce sont toujours les équipes du même bord qui sont aux commandes et qu'il est forcément difficile à chaque nouvelle mandature d'auditer les choses, ce qui reviendrait à remettre en cause le travail de l'équipe des copains précédents.

La deuxième, c'est que la FNSEA a une notoriété très forte auprès des élus politiques et des décideurs. Cela permet à ses représentants d'être reçus quand ils le veulent. De plus, et structurellement (à de rares exceptions près), les présidents des grandes OPA (CRCA, Groupama, MSA et même coopératives) sont issus du syndicat FNSEA, et les OPA que je viens de citer siègent en tant que telles à la chambre d'agriculture.

Dans un tel contexte, effectivement, il est difficile d'imaginer qu'il puisse arriver quelque chose et quand bien même cela serait, comment avec une telle présence et avec la maîtrise des puissantes OPA il ne serait pas possible de se tirer d'affaire !

Eh bien... si... Avec trop de confiance, il est possible d'atteindre le point de non retour.

J'arrive à la troisième raison

Lors de l'avant-dernière mandature, la Chambre a pensé qu'elle pouvait endosser l'habit de maître-d'œuvre pour la mise en place des retenues d'eau.

Pourquoi pas ?

Le contexte de l'agriculture était favorable, la question charpente de la Chambre était en bonne voie, la Sica Habitat bénéficiait aussi d'un contexte favorable (mise aux normes et bâtiments d'élevage), et nous arrivons là où le trop de confiance ébranle l'édifice.

J'ai souvent posé la question sur l'avancement des procédures concernant les retenues d'eau. Les réponses ont toujours été tranquillisantes. Pour ma part, il me semble bien que des précautions assurantielles, qui n'ont pas été prises au départ, sont une des causes de nos déboires. Sinon, comment expliquer les sommes inquiétantes qui accompagnent les dossiers des retenues d'eau ?

Concernant les activités marchandes, il y aurait aussi à dire.

Enfin, lors de la session du 30 novembre 2016, aux dires du président, tout allait normalement. Pour le membre de l'opposition que je suis, il a été difficile d'y voir clair.

Dans cette Chambre d'agriculture, il a souvent été question d'entreprise, d'entrepreneuriat.

Alors parlons-en... Dans ma ferme, au fil de chaque exercice, je sens très bien si les choses se dégradent ou s'améliorent. J'ai peine à croire qu'un président responsable ayant sa propre entreprise ne ressente pas la même chose s'agissant de la Chambre dont il a la charge. Pour moi, c'est inexplicable sauf à dire qu'il y a eu déni de réalité et donc irresponsabilité coupable.

Je sais que mes propos ne vous réconfortent pas. Je reconnais aussi mon impuissance de minoritaire dans mes questionnements envers la gouvernance. Je reconnais l'inefficacité de mon vote, ceux de mes deux collègues syndicaux et ceux des alliés pour la circonstance.

Nous n'avons pas pu infléchir l'histoire et nous ne pouvons pas refaire l'histoire.

Ceci dit, je veux vous dire de ne pas perdre confiance, la conjoncture n'est pas facile, mais le Monde change, notre société change. Chaque jour, des emplois disparaissent, d'autres se créent. Un économiste, Monsieur Dessertine, nous indiquait lors d'une conférence que près de 50 % des emplois de demain, nous ne les connaissons pas encore aujourd'hui.

Dans quelques jours, il va y avoir des élections nationales, notre président ne se représente pas... C'est inédit sous la Ve République. Tout change ; et pourquoi pas aussi la situation de l'emploi ?

Je vous souhaite à tous de retrouver rapidement une activité qui corresponde à vos goûts, à vos ambitions. Bonne chance à tous.

Jean-René Gouron

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