La Seine monte. Le zouave du pont de l’Alma a les pieds dans l'eau. Nous sommes face à une catastrophe parisienne. Rendez-vous compte : ces agriculteurs, avec leurs remembrements, leurs gros tracteurs qui labourent et puis tassent la terre, les engrais et les pesticides qui font crever les vers de terre...

Pensez donc ! Nous les écolos-bobos, nous disons : « Mais qu'est-ce qu'ils sont bêtes et cupides, ces agriculteurs ! Nous à leur place, comme nous sommes plus intelligents, nous ferions beaucoup mieux qu'eux. D'ailleurs, si nous ne sommes pas agriculteurs comme nos parents ou arrières grands-parents, c'est parce que nous ne voulons plus marcher et rouler dans la boue. C'est la raison pour laquelle nous avons bitumé nos villes et nos routes. C'est aussi parce que nous ne voulons pas être des esclaves de la société en gagnant à peine le tiers d'un Smic par mois, et souvent rien, en prenant des risques pour nourrir des gens qui nous traitent comme des moins que rien, quand de beaux fromages républicains s'offrent à nous, dans les médias, dans les administrations, dans les agences des eaux choisies, en politique, et même quand nous ne sommes plus élus, des planques au travail inutile mais grassement payées grâce aux largesses du monarque républicain qui nomme selon son bon vouloir. » (Il suffit de lire les hebdomadaires et journaux qui dénoncent la distribution des prébendes concernant le placement des copains dispensés de Pôle emploi...).

Mais, au fait, lors de la grande crue de 1910 (sans oublier celle de 1740), comment était donc l’agriculture ? N'étions-nous pas dans l’agriculture « idéale » ? Et pourtant le zouave avait de l’eau jusqu’au cou… Le bio coulait de source puisqu'il n'y avait rien d'autre. Pas de tracteurs mais des chevaux, des haies et des animaux partout, des abattoirs à la ferme avec simplement les normes du bon sens. Pas de DDT, pas d’emmerdeurs des champs. MAIS, MAIS... Beaucoup de travail, une grosse partie des moyens affectés à l'alimentation. Pas de congés. Jamais habillé en dimanche les jours de semaine, pas de voitures ou si peu... Pas de routes bitumées. Pas de villes bitumées, les dames relevaient leurs robes à deux mains pour que celles-ci ne s’embouent pas, laissant voir leurs bottines les jours de pluie, pour les déplacements la carriole, la marche à pied, éventuellement le vélo (un an de gages aux dires de mon père en 1930). En somme, le grand bonheur bobo à condition de ne pas y mettre les mains... et pas grave si l’espérance de vie en 1910 était de 50 ans comparée à celle d’aujourd’hui qui est de 81,9 années, soit plus de 30 années gagnées sur la mort (source Ined).

Le crétinisme est comme l’Univers. Il est sans limite mais n'oublions jamais que la bêtise se paie toujours au prix fort. Et ce jour viendra sans doute quand il n'y aura plus d'agriculteurs, parce que bien plus que le zouave en 1910, les agriculteurs en 2018 en ont par-dessus la tête…

Jean-René Gouron

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