À l’heure où la question du loup et de sa cohabitation avec l’élevage entraîne de nombreux débats, il apparaît opportun de s’intéresser à la façon dont nos voisins espagnols, encore plus touchés que la France, gèrent cette problématique.

Une application différente de la convention de Berne

La convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, dite Convention de Berne, a été adoptée au niveau européen en 1979. Celle-ci possède notamment une annexe II listant les « espèces strictement protégées » dans laquelle figure le loup. Or, si la France a ratifié le texte en l’état, l’Espagne a quant à elle exigé le passage du loup à l’annexe III contenant les « espèces protégées », pour lesquelles les moyens de régulation de la population peuvent être mis en place de façon plus aisée. Cette différence constitue le point essentiel permettant à l’Espagne une plus grande liberté pour réguler la population lupine et tenter de faire cohabiter ce prédateur avec le pastoralisme.

Des réglementations régionales variables

À la différence de la France où un plafond de loups abattus est fixé par arrêté ministériel, à charge pour les préfets locaux d’autoriser ponctuellement des tirs de défense ou de prélèvement dans la limite du plafond, chaque région d’Espagne dispose d’une large autonomie pour prendre les mesures qu’elle estime adaptées pour contrôler les effectifs de loups.

On assiste de ce fait à des régions, telles Murcie ou l’Andalousie , où le loup est strictement protégé et à l’inverse des communautés autonomes (le nom des régions espagnoles) où la chasse au loup est librement autorisée, comme par exemple la Cantabrie, la Rioja ou le Pays Basque. Enfin, d’autres régions ont fait le choix d’appliquer des quotas maximums de loups à abattre. Ces trois grands courants de mesures offrent une importante souplesse et permettent d’adapter réellement les mesures de contrôle de la population lupine à la situation locale afin de favoriser autant que possible la cohabitation avec les activités d’élevage. De même, dans une volonté de protection du pastoralisme et de certaines appellations locales, nous pouvons observer la mise en place, au sein de régions à quotas, de zones clairement délimitées à l’intérieur desquelles le prélèvement des loups est libre. Cela est ainsi dans les Asturies où un plan de conservation de l’espèce vient encadrer les prélèvements de loups par les chasseurs alors qu’en parallèle sont instaurées des zones « libres de loups » dans lesquelles des agents communaux se chargent d’empêcher le loup de s’établir.

Une souplesse réglementaire efficace

Cette capacité qu’a l’Espagne de pouvoir adapter sa réglementation concernant la gestion du loup selon les particularités et besoins de ses régions lui a notamment permis de contrôler efficacement la population lupine sur son territoire. On observe ainsi une stagnation des effectifs aux alentours de 2 500 bêtes tandis qu’en France les évaluations erratiques et imprécises ne parviennent pas à masquer la progression constante du nombre de loups.

De plus, le nombre d’attaques, proportionnellement aux effectifs de loups, est bien inférieur en Espagne. On constate en effet en 2016 près de 4 650 attaques chez notre voisin ibérique, soit environ 1,86 par loup en moyenne. À l’inverse, la même année, nous avons connu plus de 2 735 attaques ce qui en représente 9,37 par loup au vu des 292 recensés en 2016. Nous voyons donc bien qu’un changement de la réglementation française concernant la gestion du loup est urgent. Certes, l’augmentation récente du plafond d’animaux qu’il est possible d’abattre à 40 têtes est un premier pas, mais largement insuffisant au vu de l’explosion de la population constatée. S’orienter vers une plus grande souplesse, notamment via une révision de la Convention de Berne, pourrait être une piste afin de donner un plus grand panel de mesures à nos régions tel qu’observé en Espagne. Nos régions à l’activité pastorale importante ou ayant vu une recrudescence des attaques de loups devraient avoir les moyens de défendre leurs éleveurs.

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