La PAC 2013 devait être réformée pour la période 2014-2020, mais les désaccords budgétaires européens ont retardé les discussions sur la politique agricole commune, dont la réforme ne sera pas mise en place avant 2015. En juin dernier, un accord sur les grandes orientations a été trouvé entre le Parlement, le Conseil des ministres et la Commission.

Les grands piliers de la réforme européenne sont le verdissement (avec la mise en place de nouvelles contraintes environnementales qui viendront conditionner le versement d'une part importantes des aides), la convergence des aides (afin de gommer substantiellement les écarts entre les niveaux d'aides découplées par hectare), et plus globalement une redistribution des aides pour mieux soutenir des agriculteurs ou secteurs considérés prioritaires. Dénuée de tout moyen de régulation, enfermée dans des contraintes budgétaires liées à une distribution d'aides aux effets pervers, cette future PAC, dans la lignée de la réforme de 1992, ne s'attache pas à résoudre les problèmes de fond auxquels notre agriculture fait face.

A partir de ce cadre, Stéphane Le Foll envisageait en juillet 4 scénarios pour la future PAC 2015-2020, et détaillait leurs impacts en matière de transferts d'aides entre les différents secteurs de production, types d'exploitation et régions. Pour ce faire, il faisait varier les curseurs que sont le taux de convergence des aides et le taux de paiement redistributif, en actionnant ou non des dispositifs de compensation de perte d'aides au niveau individuel. A quelques jours du Sommet de l'élevage de Cournon, le Président de la République, soucieux de ne pas essuyer les sifflets des agriculteurs lors de son déplacement en Auvergne, recevait les syndicats agricoles à l'Elysée et écoutait leurs propositions. La délégation de la Coordination Rurale a profité de cette entrevue pour alerter le Président sur les lacunes des scénarios envisagés et lui faire part de ses analyses et des choix par défaut qu'elle était amenée à faire. Elle lui a bien sûr également présenté son projet alternatif. Si la rencontre s'est avérée constructive et riche en échanges, le Président a persisté dans sa voie initiale et a présenté à l'inauguration du Sommet de l'élevage, le 2 octobre dernier, un projet politique sans vision stratégique. Bien qu'inespéré, un revirement aurait été le bienvenu... Le projet Hollande, une PAC démagogique sans ambition La CR regrette que François Hollande n'ait pas su entendre nos arguments et qu'il ait persisté dans un projet bien décevant.

Progressivité de la convergence et de la surprime des premiers hectares

Tout d'abord, le taux de convergence ne sera pas de 100 % mais de 70 % (à l'horizon 2019). La CR, totalement opposée au principe de convergence des aides (un des piliers de la réforme 2015 au niveau européen) qui ne permet pas de flécher les aides vers les zones difficiles, considérait qu'il fallait la limiter à 60 %, ce qui était le minimum possible dans le cadre de la réforme. En effet, cette convergence des aides fait table rase du passé et oublie que la réforme de 1992 a fait baisser les prix artificiellement pour soi-disant conquérir le marché mondial (cela a surtout servi aux industriels et distributeurs à s'approvisionner à bas prix), en échange d'une compensation financière des pertes par les « aides compensatoires à la baisse des prix ». L'appellation de « primes » entretient l'idée fausse selon laquelle ce sont des montants perçus abusivement par les agriculteurs, niant ainsi la réalité historique de leur création. Néanmoins, comme l'avait choisie la CR pour limiter la casse, l'option de limitation des pertes à 30 % par agriculteur sera activée. Quant à la surprime aux 52 premiers hectares (surface moyenne des exploitations françaises), elle sera bel et bien mise en place malgré nos mises en garde, mais le président a limité à 20 % la part des aides directes à y consacrer (au lieu des 30 % possibles et privilégiés par Le Foll et la Confédération Paysanne). Parmi les formes sociétaires, seuls les GAEC bénéficieront de la transparence des aides. Pour la CR, le critère de la superficie est une grossière erreur car il ne permet pas pleinement de diriger les aides vers ceux qui en ont le plus besoin, notamment vers les zones défavorisées. Les nouvelles règles de redistribution auraient d'abord dû tenir compte de cet impératif, même si l'on peut saluer la revalorisation annoncée de l'ICHN de 15 % amorcée en 2014. En cela, le Président a suivi la CR qui avait déploré que cette compensation des handicaps naturels pour les zones difficiles ne soit pas mieux soutenue dans le projet initial.

Un couplage des aides pour l'élevage (protéines, production laitière, engraissement)

Soutenir l'élevage était l'un des objectifs majeurs voulus par la France dans le cadre de cette réforme. L'utilisation du couplage des aides animales sera donc au maximum de ce que permet la réforme, avec un maintien des aides couplées pour les productions aujourd'hui bénéficiaires (vaches allaitantes, ovins, caprins, lait de montagne et veaux sous la mère). Ainsi, un budget de 100 M€ sera prélevé sur les aides et dédié à la création d'une aide couplée à la production laitière et à l'engraissement. Hormis pour les productions végétales spécialisées, la CR estime que la création, à partir d'un budget très limité, de nouvelles aides couplées pour des secteurs considérés en difficulté revient à mettre artificiellement et provisoirement un intérêt économique à des productions devenues trop peu rentables, avec un saupoudrage trop souvent conditionné à des contraintes. A cet égard, ayant observé la confiscation des aides couplées par l’aval et l’amont de la production, la CR avait proposé de pousser jusqu’au bout la logique du découplage avec un découplage total des aides animales. En plus de la simplification apportée, cela aurait solidarisé les intérêts des agriculteurs avec ceux de leurs fournisseurs et clients, qui seraient alors contraints à l’excellence pour procurer un intérêt économique aux producteurs, et les inciter ainsi à poursuivre ou développer leur production. Le maintien de l’élevage et l’entretien des paysages doivent passer par une rentabilité économique retrouvée et non par l’intégration (contractualisation et conditionnement d’appartenance à une OP, auxquelles sont déjà soumises les aides animales en question, ou sont en passe de l'être). L'enveloppe maximum de 2 % d'aides couplées aux protéines végétales (150 M€) est utilisée intégralement dans le choix que vient de faire le gouvernement. Cela fait 20 ans que la CR réclame un rééquilibrage des grandes cultures au profit des plantes riches en protéines. Elle l'avait rappelé au Président et avait soutenu ce couplage-là pour donner un coup de pouce à ces productions et réduire la forte dépendance de nos élevages vis-à-vis des importations, même si elle est convaincue que cette relance passe d'abord par les prix et pas par les aides. Elle avait indiqué au Président qu'il convenait de ne mettre aucune entrave à ce dispositif et de l'ouvrir au soja et à la luzerne. Reste à savoir si ces productions dans leur ensemble seront bien comprises dans le terme « fourrages » indiqué par le Président. Elle avait également demandé, apparemment sans succès, que soit maintenu le couplage aux productions végétales spécialisées.

Le verdissement

L’UE ne parvient pas à assurer son autosuffisance et prélève une forte part de son alimentation sur les marchés extérieurs, ce qui rend scandaleuse cette idée de renoncement à une partie de sa production agricole. Le verdissement ajoute des contraintes de production pour les agriculteurs et retire une partie des terres de la production (sans compensation financière et sous peine de sanctions), alors que les produits importés à bas prix ne font l’objet d’aucune considération environnementale. Ce paradoxe est destructeur pour notre agriculture. Le respect des véritables missions de la PAC, dont l’autosuffisance alimentaire qui suppose l’arrêt de la mise en concurrence permanente avec les moins-disants mondiaux (responsable de la spécialisation des exploitations et de la monoculture), remettrait du sens à notre agriculture en lui permettant de se recentrer sur ses fondamentaux, dont l’agronomie. Le verdissement étant un des grands axes de l'accord européen de juin 2013, il était inéluctable mais le Président a suivi partiellement notre analyse en entérinant un paiement proportionnel au montant des aides pour chaque agriculteur, sans plus entrer dans le détail des mesures qui seront discutées lors de prochaines réunions ministérielles. La CR s'y battra pour qu’un système d’équivalence pour les MAE soit mis en place et pour que le paiement «vert» soit intégré dans la convergence interne pour en atténuer les effets. La CR militera en outre pour une mise en place la plus progressive et lente possible de l’abandon des terres sacrifiées au titre des surfaces «à intérêt écologique» (SIE).

Autres mesures

• Mise en place d'un plan de compétitivité et de modernisation (en particulier des bâtiments d'élevage) doté de 200 M€/an : On peut craindre que le manque de moyens et les difficultés avérées lors des plans précédents n'en rendent l'impact minime. • Renforcement du soutien à l'installation avec, en plus du second pilier (25 M€), une enveloppe de 1 % prélevée sur le premier pilier (75 M€) : Hélas, si les critères d'attribution et le dispositif contraignants actuels ne sont pas revus, cela n'aidera qu'une part limitée des candidats à l'installation et ne suffira pas à inverser la tendance actuelle, au vu des difficultés économiques qui persistent. • Doublement des crédits destinés aux MAE (mesures agroenvironnementales) et à l'agriculture biologique : C'est ici encore le contexte économique global qu'il faut d'abord sécuriser pour déclencher plus d'engouement de la part des agriculteurs, en particulier vers la production biologique. • Attribution de 85 M€ pour financer des mécanismes de prévention et de gestion des risques en agriculture : Hélas, cette PAC ne s'attaquant pas en premier lieu à stabiliser les marchés à travers une régulation des productions et une protection aux frontières adaptées, la gestion des crises ne peut être qu'un puits sans fond.

La proposition de la CR, ou comment sortir des ornières budgétaires et commerciales actuelles ?

L'exemple récent des plats préparés à la viande de cheval n'a heureusement pas eu de conséquence dramatique sur le plan sanitaire, mais il illustre clairement les dérives engendrées par la primauté du tout commerce, de la concentration et de la recherche maximale de profits par les intermédiaires. Comme l’exception culturelle vient d’être à nouveau revendiquée dans les négociations USA-UE, il faut avant tout instituer l’exception agriculturelle dans les négociations commerciales internationales pour rétablir le droit à la souveraineté alimentaire des peuples, en quantité mais aussi en qualité : la culture nourrit les esprits, mais l’agriculture nourrit les corps. La satisfaction de ce besoin primordial doit faire l'objet de la plus grande clairvoyance politique.

Les  grands axes d'un scénario innovant pour la PAC

Régulation des prix des produits agricoles sur la base de leur réelle valeur économique

  • aux frontières de l’Union Européenne par des droits de douane variables :

les importations à bas prix seront réévaluées d'un droit de douane adapté et variable afin d'éviter le dumping par les moins-disants mondiaux. Les produits européens retrouveront leur pleine compétitivité en Europe et seront valorisés à un prix juste reflétant les contraintes environnementales, sociales et fiscales de production. Plutôt que de protectionnisme, il s'agit en fait d'une forme intelligente de préférence communautaire, au bénéfice des producteurs et des consommateurs. La part des produits agricoles étant très faible dans les produits alimentaires, la hausse des prix à la consommation sera dérisoire.

  • sur les marchés intérieurs en ajustant l’offre à la demande :

Il s'agit de mettre en place des dispositifs de gestion et d'organisation des productions adaptés à chaque filière.

Simulation de l'impact sur la consommation d'une augmentation hypothétique de 40 % des prix agricoles Pour le budget global d'un ménage de : 100 € Budget alimentaire des ménages :  15 € Part de l'agriculture dans les prix alimentaires* : 1,05 € (15 x 0,07) Avec une hausse des prix agricoles de 40 % :  1,47 € (1,05 x 1,4) => Budget alimentaire  : 15,42 € / 100 € de budget global Le relèvement des prix agricoles, à un niveau rémunérateur, induirait une participation des ménages de seulement 0,42 % pour la consommation de produits européens, de grande qualité répondant à des normes élevées : le bénéfice net est évident !

Création d'un Observatoire Européen des Productions et des Marchés (OEPM) au sein de l’UE et ajustement des niveaux de production en fonction des variations de prix

L'OEPM répercuterait vers les organisations de producteurs les consignes d’ajustement de chaque grande production, de façon à tenir les prix dans des fourchettes prédéterminées en fonction des coûts de production. L’ensemble des prix doit voir ainsi ses variations limitées dans des « tunnels » interconnectés de façon à garder une cohérence économique et à assurer la stabilité des entreprises et des emplois. Si les prix baissent (augmentent) trop, la production sera orientée à la baisse (hausse). C'est l'équilibre intra-européen entre l'offre et la demande qui jouera sur les prix de manière raisonnable, et non plus les variations erratiques du commerce agricole international.

Réduction du déficit de production agricole

Il manque à l’UE l’équivalent de 28 millions d’hectares (équivalent surface de ce que nous importons chaque année, qui représente la surface agricole utile française) pour assurer son autosuffisance alimentaire. Il s'agit en particulier de développer la production de protéines végétales dangereusement déficitaire, par des prix de protéagineux assurant aux agriculteurs une bonne rentabilité de leur production.

Les effets bénéfiques de ce scénario : une cohérence budgétaire, sociale, économique et environnementale retrouvée

La PAC telle que proposée ici, assise sur la vérité des prix agricoles en rapport avec les coûts de production, se passerait du système artificiel et arbitraire, coûteux, complexe et toujours décrié des aides directes. La PAC issue du modèle de la réforme de 1992 n'a pas permis d'économies budgétaires, bien au contraire. Celle que la CR propose permettrait d’en réduire considérablement le budget nominal et de mieux répondre aux attentes des producteurs et des consommateurs (qui sont aussi contribuables et citoyens !). Effets budgétaires attendus pour une politique agricole réformée, telle que la CR la propose ECONOMIE DE 26,5 Mrds € avec un COÛT DE LA PAC RAMENÉ A 18,5 Mrds€  1 !     Budget actuel « 1er pilier » de la PAC : 45 milliards €     Réduction des aides* et de leur coût administratif : - 30 milliards €     Droits de douane accrus : recette négligeable (car baisse des importations)     Fin des subventions à l’exportation : - 1,5 milliards €     Budget « intervention et autres mesures de gestion » : évolution négligeable (car absence de crise)     Budget consacré à la gestion réelle de l’environnement : + 5 milliards €     Coût global de la PAC proposée par la CR : 18,5 milliards €     Economie globale : 26,5 milliards €  * maintien et revalorisation pour les zones à handicap naturel

Cette PAC ambitieuse réussira là où l'actuelle échoue. Le fait que les prix reflètent les coûts engendrés par les contraintes de production permettra de sortir d'une logique opportuniste pour les agriculteurs, liée à tel ou tel niveau d'aides.

Cela induira naturellement un retour à plus d'agronomie et de recherche de diversité des cultures, pour rééquilibrer les productions de l'exploitation de manière durable. La diversité des assolements ne sera plus une contrainte de verdissement mais une conséquence du changement de système. Les prairies naturelles retrouveront un intérêt économique au lieu de faire l'objet d'un maintien obligatoire sous peine de sanctions. Ce rééquilibrage global en faveur de l'agronomie, avec des agriculteurs délivrés de la paperasserie liée aux aides, sera nécessairement bénéfique à l'environnement et permettra une utilisation raisonnable et optimale des intrants et de l'eau. Enfin, parmi les conséquences heureuses du cercle vertueux induit, le dynamisme économique retrouvé de notre agriculture permettra un nouveau développement des emplois dans les territoires ruraux, sans qu'il soit nécessaire de dépenser argent et énergie à mettre en place des mesures de développement rural. Le renouvellement des agriculteurs ne sera plus un sujet de préoccupation mais deviendra naturel pour une activité stratégique à l'équilibre économique retrouvé.

Des agriculteurs unis autour d'un projet commun

Avec des productions des plus variées et issus de régions éloignées, les agriculteurs de la CR ont pourtant su se mettre d'accord sur un projet commun qui a la force de sa cohérence. Unis autour d'un objectif, celui de défendre l'agriculture, ils demandent simplement de pouvoir vivre dignement de leur métier. Pour y parvenir, une évidence s'impose : il est vital pour eux de vendre leur production à un prix rémunérateur.

Quelques agriculteurs de la CR ont témoigné, pour faire part de leurs angoisses et espoirs à quelques semaines des négociations nationales concernant la mise en place de la future PAC pour 2015-2020.

Michel Manoury, président de la section viande, éleveur de bovins viande dans l'Orne

« Dis-moi combien tu gagnes, je te dirai combien tu perds » « Comme d'habitude, les hommes politiques sont très volontaristes pour sauver l'élevage français, mais il s'agit hélas de paroles, jamais d'actes et pour les éleveurs toujours du désespoir. Tous veulent aider l'élevage mais encore faudrait-il le prendre dans toute sa diversité. Cette dimension, qui fait la force de notre élevage, constitue également sa principale faiblesse dans les différentes négociations. Au final, l'application française de la réforme de la PAC, annoncée pourtant par le Président en personne au Sommet de l’Élevage, n'aidera pas l'élevage dans sa globalité. Il apparaît que les options choisies orienteront plus les aides vers les exploitations en fonction de la typologie géographique, des surfaces et de la forme sociétaire. J'en arrive à croire qu'on va se contenter de maintenir des éleveurs non plus pour produire mais pour simplement entretenir les paysages. Dans quelques mois, nous connaîtrons les derniers réglages de la PAC opérés par le mécanicien Hollande qui nous laissera certainement un moteur poussif que l’apprenti Le Foll va conduire à la rupture, faute d'une boîte à outils adaptée. Cette PAC aurait pourtant pu être l'occasion de changer les règles du jeu en découplant totalement la PMTVA et en reprenant ainsi la main en matière de régulation, afin que les éleveurs produisent quand cela est rentable pour eux. »

Catherine Laillé, Présidente de l'ONEP, éleveuse de porcs en Loire-Atlantique

La nouvelle PAC, qui consiste notamment à transférer une partie des aides des céréaliers vers les éleveurs, est une erreur. Les producteurs de porcs n'ont rien à y gagner. Ce qu'ils veulent, c'est d'abord que les prix de vente de leurs produits tiennent compte des coûts de production et de leur travail. Ceci est possible en mettant en place une organisation commune de marché basée sur un observatoire permanent de la production pour adapter cette dernière à la demande. Ainsi, l'équilibre du marché permettra une répartition équitable de la valeur ajoutée au sein de la filière porcine. L'UE doit aussi s'attaquer aux importantes distorsions de concurrence au niveau des charges sociales, fiscales et environnementales avec des écarts qui vont de 1 à 10 selon les pays. Il faut rapidement les harmoniser, pour construire une Europe agricole unie et forte. Enfin, l'UE doit lancer un grand plan de développement des protéines, car nous sommes dépendants des importations à 70 %, et œuvrer afin de diminuer durablement le coût alimentaire qui représente 65 à 70 % du prix de revient pour les éleveurs de porcs. Seule une PAC solide et ambitieuse garantira des prix rémunérateurs qui assureront des produits de qualité et redonneront aux producteurs la fierté de leur métier.

Véronique Le Floc'h, présidente de l'OPL, éleveuse laitière dans le Finistère

« Pour qu'elle prenne enfin la bonne voie, la future PAC devrait déjà mettre en place l'observatoire des productions et des marchés. Si l'on veut sortir le secteur laitier de la crise, il est nécessaire que tous les acteurs de la filière travaillent ensemble. La mise en parallèle des besoins en volume de chacune des laiteries et des capacités de production par zone serait judicieuse. Cela permettrait de définir un rayon dans lequel chacun des industriels pourrait satisfaire ses besoins, sans déstabiliser le marché par des recours abusifs aux importations. Les droits à produire individuels seraient, par la même occasion, reprécisés et gérés par les bassins. Toute quantité de lait provenant au-delà de cette distance se verrait alors taxée au titre des transports injustifiés (taxe à prélever par le vendeur et suffisamment dissuasive de façon à ce que les producteurs locaux soient privilégiés). Ces taxes, qui pourraient être augmentées en cas d'abus de la part des industriels, permettraient de payer les producteurs qui renoncent partiellement à produire en période de crise (baisse de la demande de produits laitiers, concurrence des pays exportateurs, ....). L'indexation du prix du lait sur les coûts alimentaires et la revalorisation du prix du lait par les industriels, pour tenir compte de l'ensemble des coûts de production et du travail de l'éleveur,  seraient des éléments clés de la pérennité du secteur laitier partout en France, avec, bien sûr, l'indication de l'origine du lait indiquée clairement sur les produits transformés. Enfin, en complément des paiements de base uniformisés, s'ajouteraient des paiements liées aux surfaces en herbe et en protéagineux. ».

Nicolas Jaquet, président de l'OPG, producteur de grains et plantes médicinales dans les Landes

Les producteurs de grains ont des cartes à jouer pour une PAC gagnante ! « Que veulent nos consommateurs ? Des agriculteurs nombreux, des campagnes vivantes et bien entretenues, des pains variés et de qualité dans nos boulangeries, de la viande saine et produite avec des aliments du bétail sans OGM. Arrêtons d’être naïfs ou hypocrites ; nous savons tous que ces attentes sont inatteignables avec un budget redistribué sous forme de primes. Alors il faut envisager d’autres voies plus audacieuses et plus positives aux yeux de l’opinion publique. Les pays développés qui concentrent tous ces succès sont ceux qui protègent leurs agriculteurs du dumping mondial, leur assurant ainsi un revenu stable provenant du fruit de leur travail. Les prix sont l’unique levier efficace pour atteindre ces objectifs. A quoi bon se chamailler pour 50 ou 100 € d’aides quand, en un an, notre chiffre d’affaires baisse de 500 € /ha à cause de la chute des cours des grains ? Pour rééquilibrer nos productions et réduire notre dépendance en protéines végétales, des prix attractifs seront plus utiles qu’un énième plan protéines. Au niveau français pour redonner de la compétitivité à nos éleveurs il est indispensable qu’on les autorise à pouvoir acheter directement leur aliment aux producteurs de grains comme cela se fait dans tous les autres pays. La marge des intermédiaires représente ,pour un élevage de taille moyenne, une enveloppe de 15 000 € à répartir entre chaque éleveur et chaque producteur de grains. Mieux vaut aider le stockage ou la fabrique d’aliments à la ferme que des filières industrielles non rentables dont nous ne voyons jamais les fruits. Dépoussiérons notre agriculture française et nos exploitations se porteront mieux. »

Damien Griffault, Président de la section Jeunes de la CR, céréalier dans les Deux-Sèvres

« La PAC, jusqu'à aujourd'hui, n'a pas eu les effets escomptés pour les jeunes qui veulent s'intaller : nous sommes de moins en moins nombreux et le renouvellement des générations est une inquiétude pour la profession agricole. C'est pour cela que la nouvelle PAC doit évoluer. Pour les jeunes installés, la PAC doit avant tout apporter de la lisibilité : sur les prix, car l'agriculture est d'abord un métier qui doit nous permettre de gagner notre vie ; sur les débouchés à long terme, car nous ne pouvons pas nous engager sans avoir l'assurance que notre travail sera valorisé. Tout cela, la PAC actuelle ne le garantit pas car elle n'inclut pas de gestion de l'organisation des productions efficace et de retour au système de préférence communautaire, comme nous le réclamons à la CR. Nous sommes également attachés à la gratuité des droits à produire et à leur accès équitable pour tous les jeunes installés, qu'ils soient aidés ou non, sans contrainte du type "contrôle des structures".

En tant que jeune installé, j'ai choisi ce métier pour sa technicité, pour le contact avec une nature que je respecte. Mon travail favorise le stockage du carbone et la production d'oxygène et produit une nourriture vitale pour les hommes. Je voudrais qu'enfin soit reconnu l'impact positif de l'agriculture sur l'environnement plutôt que de toujours entendre le cliché injuste "agriculteur-pollueur". Pour ce qui est des aides du second pilier, j'attends du dispositif d'aides à l'installation qu'il soit accessible au plus grand nombre et cesse de favoriser une installation à deux vitesses. Le renouvellement des générations en agriculture ne pourra être réel que si la nouvelle PAC évolue sur ces points fondamentaux."

Jean-Louis Ogier, président de la section fruits et légumes, producteur de fruits en Isère

« Pour les fruits et légumes, nous voulons une PAC équitable qui rétablisse l'égalité entre les producteurs indépendants, les OP et les coopératives. La PAC 2015-2020 devra s'attacher à protéger les productions européennes en contrôlant les importations (rétablir les certificats et automatiser la clause de sauvegarde "volume"). Afin de prévenir au mieux les crises, il est primordial d'organiser les marchés et la production avec la mise en place d'un cadastre fruitier européen. Enfin il faut des prix rémunérateurs pour les agriculteurs ce qui, outre la logique économique évidente, permettrait de se passer d'aides directes (sauf dans des cas très particuliers comme les zones défavorisées par exemple), de recréer de l'emploi et de donner un avenir aux jeunes qui s'installent. La PAC n'est cependant pas la seule option pour redonner de la compétitivité à notre agriculture : l'Europe doit aussi garantir plus d'équité au niveau des coûts de la main d'œuvre  via la TVA sociale, ce sans quoi les producteurs continueront à être confrontés à une concurrence déloyale au sein même de l'Union européenne. »

Xavier Desouche, Président de la section viticulture, viticulteur en Charente

« La grande majorité des viticulteurs souhaite le maintien de l'Organisation Commune du Marché (OCM) vitivinicole. En effet, au vu des prix de vente du vin, c'est la seule garantie que nous ayons pour préserver un outil de production performant. Il ne faut pas se leurrer, peu de viticulteurs peuvent aujourd'hui renouveler seuls leur vignoble. Nous ne voulons pas des Droits à Paiement de Base (DPB) au détriment de l’OCM, car ils seront néfastes pour la viticulture. D'un montant minime à l'hectare, l'accès aux DPB impliquera la suppression de l'aide à la restructuration, et les viticulteurs ne pourront plus renouveler leurs vignes, entraînant de fait le vieillissement du vignoble. Les DPB seront associés à de nombreuses contraintes environnementales coûteuses et fastidieuses, que nous ne voulons pas. Et comme nous l'avons déjà observé pour d'autres filières agricoles, les DPB ne profiteront pas aux producteurs mais seront subtilisés par l'aval via une baisse générale des prix à l'achat de nos productions. Aujourd'hui, l'OCM permet à la viticulture française de compenser certains handicaps. Les viticulteurs sollicitant ces aides sont motivés puisqu'ils sont eux-mêmes à l'initiative des demandes. Choisir l'OCM, c'est opter pour une viticulture innovante, performante et pérenne, c'est aussi favoriser l'installation des jeunes. ».

La présidente de la section équine de la CR, éleveuse de chevaux et de bovins viande en Saône-et-Loire

« J'attends de cette nouvelle PAC qu'elle maintienne le cheval et les activités liées à son élevage comme des éléments essentiels participant au dynamisme des territoires ruraux. Les éleveurs d'équidés sont encore trop souvent exclus des dispositifs d'aides et cette PAC doit donc permettre de leur en faciliter l'accès. En cela, les Chambres doivent mieux jouer leur rôle d'information et prévoir un point d'accueil pour les éleveurs de chevaux, car ils pratiquent une activité agricole à part entière. A cet égard, le fait que la TVA à taux réduit pour les équins soit toujours menacée est injuste.

En outre, cette PAC sera je l'espère, enfin l'occasion de considérer le cheval équitablement au sein des productions d'élevages. En effet, les aides aux surfaces pour les prairies sont toujours conditionnées au respect d'un taux de chargement spécifique et là, les chevaux sont très mal considérés. En effet, un shetland vaudra autant qu'un percheron, ce qui est tout simplement aberrant et va à l'encontre d'une bonne gestion des prairies et de l'exploitation. Espérons qu'un retour au bon sens permettra d'établir une nouvelle catégorisation pour les chevaux, en différenciant dans un premier temps (sans forcément aller jusqu'à considérer les races) les poneys, les chevaux de selle et les chevaux de trait. ».

Max Bauer, Président de l'Uniphor, horticulteur dans le Var

La filière horticole ne bénéficie d'aucune aide de la PAC, cependant ce secteur, fortement en crise, a besoin de la protection de l'Europe pour se redresser. Dans un marché mondialisé et en perpétuelle mutation, la filière horticole doit s’organiser pour s’adapter. Les productions végétales françaises n'auront un avenir que si les distorsions de concurrence intra et extra communautaires sont limitées tant sur le coût des énergies, des intrants et de la main d’œuvre que sur la possibilité d'utilisation et la différence de prix sur les PPP. La PAC doit financer par des aides le développement de la recherche sur les PPP sans opposer le bio au chimique, afin de promouvoir des solutions économiquement viables et respectueuses de l’environnement. Autres mesures : la mise en place de la TVA sociale qui permettrait de financer la protection sociale tout en diminuant le coût du travail ; la préférence communautaire qui doit être appliquée et l'origine des produits clairement affichée pour une meilleure lisibilité du consommateur.

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