Une consultation publique sur le projet de décret relatif à la liste des substances actives de la famille des néonicotinoïdes présentes dans les produits phytopharmaceutiques était en cours. La Coordination Rurale Provence-Alpes-Côte d’Azur a déposé sa contribution :

1. En France, les néonicotinoïdes sont une famille de molécules actuellement très utilisée en agriculture. Ils sont spécifiques, systémiques, moins toxiques et moins persistants que d’autres molécules insecticides, et utilisés à des doses faibles, en particulier en traitement de semences. Ils ne laissent pratiquement aucun résidu et le risque applicateur est quasiment nul.

2. En fruits et légumes, les impasses techniques sont déjà très nombreuses, du fait des faibles surfaces concernées, et l’utilisation des néonicotinoïdes (très ciblés) s’inscrit dans une stratégie de réduction des risques, avec d’autres outils comme les auxiliaires naturels, le biocontrôle, les moyens agronomiques préventifs, la gestion des résistances des insectes nuisibles.

3. Aucun autre Etat membre de l’UE ou pays tiers n’a prévu l’interdiction des néonicotinoïdes. Les agriculteurs français vont donc souffrir d’importantes distorsions de concurrence.

4. Les alternatives ne présentent aucune garantie supplémentaire pour les pollinisateurs, bien au contraire. Les agriculteurs devront pulvériser, au printemps et à l’été, en pleine période d’activité des abeilles, des produits insecticides, en végétation, contenant en particulier de la deltaméthrine ou du tau-fluvalinate (famille des pyréthrinoïdes), qui sont les deux seuls insecticides pour les lesquels des liens avérés ont été établis, en conditions d’utilisation de terrain réelles, avec des intoxications brutales d’abeilles en France. C’est aussi pour cette raison que nombre d’agriculteurs se sont tournés vers des protections insecticides de semences ces dernières années.

5. Dans le cadre de la lutte contre la « pollution de l’air », l’interdiction des néonicotinoïdes qui, par l’enrobage des semences, permettent de limiter les traitements par pulvérisation, va donc augmenter les émissions, même si globalement la contamination de l’air par les produits phytosanitaires reste faible, puisqu’elle se compte en nanogrammes par m3, c'est-à-dire en millionièmes de milligramme par m3.

6. L’installation de déflecteurs sur les semoirs, au début des années 2010, a permis de protéger efficacement les abeilles contre la dispersion de poussières, au moment des semis. Cette mesure de prévention n’aura-t-elle donc servi à rien, alors que son efficacité a été démontrée ?

7. Le dispositif de suivi des causes de mortalité des abeilles mis en place fin 2014 par le ministère de l’agriculture, a relevé qu’elles meurent en premier lieu de maladies telles que varroa, maladie noire, loque américaine ou européenne, nosémose, virus des ailes déformées, mycoses, virus de la cellule royale noire… soit 39% des cas. En second lieu, c’est de mauvaises pratiques apicoles, dont l’utilisation de produits interdits (14%). En troisième lieu, c’est de faim (11%) pour causes de ressources florales insuffisantes. En 4e lieu, c’est d’intoxications phytosanitaires (6%), dont la part dévolue aux néonicotinoïdes n’est pas précisée.

8. Nombreux sont les apiculteurs disposant leurs ruches à proximité de cultures traitées par enrobage de semences sans observer de mortalité particulière sur les abeilles ou bourdons. Pendant des années, des apiculteurs ont invité leurs abeilles à butiner des colzas issus de semences enrobées sans aucun dommage. C’est la même chose avec des bourdons pollinisateurs dans des serres destinées à la production de semences potagères.

9. En 2012, des chercheurs de l’INRA ont soumis des abeilles à de faibles doses de néonicotinoïdes. Ils ont montré que les abeilles pouvaient être désorientées et ne plus retrouver la ruche. Mais les teneurs en néonicotinoïdes du nectar et du pollen sont nettement plus faibles que celles auxquelles ces abeilles ont été soumises dans l’expérience de l’INRA.

10. Depuis 3 ans, le moratoire européen entrainant interdiction de la chlothianidine, de l’imidaclopride et du thiamétoxame sur traitement de semences n’a amené aucune amélioration sur la santé des abeilles. Aucune baisse de mortalité n’a été observée. L’interdiction des néonicotinoïdes ne règlera donc jamais le problème sanitaire de l’abeille. C’est également le cas avec l’interdiction Régent TS (fipronil), depuis 2004.

11. Le Cruiser OSR (thiametoxame sur colza) est déjà interdit depuis 2012. Sont déjà interdites dans toute l’UE les pulvérisations de ces produits en période de floraison sur toutes les cultures. Ne sont autorisées que les pulvérisations hors période de floraison sur les cultures non attractives pour les abeilles. Concernant les traitements de semences par enrobage, ne sont autorisés que les traitements sur céréales à paille semées en hiver (blé, seigle, avoine, orge) et les betteraves, cultures non attractives pour les abeilles. Toutes les restrictions d’usage de ces produits n’ont eu aucune conséquence positive sur l’état sanitaire des abeilles.

12. Le thiaclopride, par exemple, figure sur la liste européenne des 80 substances candidates à la substitution par d’autres moyens de lutte, tel que prévu au règlement 1107/2009, car justement il n’existe pas encore d’alternative. En renouvelant les AMM, les Etats membres ont l’obligation d’observer s’il n’existe pas une alternative au moins aussi efficace et moins préoccupante sur la santé et l’environnement, et économiquement viable. Tant que ces 3 éléments ne sont pas réunis, la substance reste candidate à la substitution car il n’existe aucune alternative. Laissons au règlement européen sa pleine mise en œuvre ! Une interdiction entrainera une distorsion de concurrence et cela peut même inciter à des pratiques irrégulières.

13. Les néonicotinoïdes sont les composants de nombreux biocides qui sont indispensables dans le domaine de la santé publique. Les biocides permettent de lutter contre les insectes rampants et volants tels que les cafards, mouches, fourmis qui ont un impact sur la salubrité publique. Ces biocides sont utilisés notamment pour éviter l’infestation de parasites qui sont vecteurs de maladies humaines (typhoïde, conjonctivite, trachome, entérite, salmonelle, poliomyélite, typhoïde, tuberculose, asthme, rhinite…) et de maladies des animaux d’élevage (fièvre aphteuse, peste porcine, mammite, variole aviaire, grippe aviaire…). Enfin, ces biocides sont utilisés uniquement en intérieur (bâtiments agricoles, industries agroalimentaires, restaurants, hôtels). Les néonicotinoïdes contenus dans ces biocides ne sont pas en contact direct avec l’environnement extérieur. Les biocides à base de néonicotinoïdes représentent 44% du marché des adulticides.

La protection des abeilles est bien sûr un enjeu essentiel. Les agriculteurs souhaitent donc que les causes majeures de leur mortalité, à l’évidence multifactorielles, soient clairement établies et que des mesures efficaces soient mises en œuvre.

Les abeilles sont confrontées à une multitude de facteurs de stress sanitaire. Quelles mesures sur les mauvaises pratiques apicoles identifiées aujourd’hui ? Des restrictions au niveau des traitements non autorisés en ruche, de l’importation des reines de Chine ou d’Australie, avec le parasitisme qui y est associé, de la transhumance des ruches, ont-elles été mises en œuvre ?

Aucune mesure n’a été prise, autre que celle de restreindre l’utilisation de produits phytosanitaires. Les produits phytosanitaires sont le bouc-émissaire de la problématique sanitaire des abeilles. Quelles que soient les restrictions d’usage de produits, depuis 20 ans, aucune amélioration de la santé de l’abeille n’est observée.

Pour toutes ces raisons, la Coordination Rurale Provence-Alpes-Côte d’Azur est opposée à l’interdiction d’utiliser des produits phytopharmaceutiques contenant une ou des substances actives de la famille des néonicotinoïdes et des semences traitées avec ces produits.

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