Mercredi 14 Juin, l’Institut de l’Elevage à organisé sa journée annuelle consacrée aux marchés mondiaux de la Viande. Après une introduction rappelant la conjoncture économique mondiale en 2017, la matinée s’est focalisée sur la demande mondiale de viande bovine. Les présentations se sont en particulier arrêtées sur deux régions susceptibles d’offrir le plus de débouchés à l’export : la Chine et le pourtour méditerranéen.

L’après midi a été consacrée à l’Europe et à ses grands concurrents exportateurs, l’Amérique latine et l’Océanie

La Chine : une demande en forte progression, mais de nombreux obstacles pour la France

La consommation de viande bovine en Chine a une histoire récente. Jusqu’en 1979, l’abattage était fortement limité pour préserver les animaux de trait, et n’était autorisé que pour les animaux malades ou âgés. De plus, l’histoire culturelle et religieuse du pays a longtemps perpétué l’idée d’une impureté de la viande de bœuf. Si la consommation de viande bovine reste encore marginale, loin derrière la volaille et le porc, elle continue cependant de progresser rapidement en raison des bouleversements culturels et économiques des 30 dernières années.

Dans le même temps, la production nationale est fortement contrainte, tant pour des raisons économiques qu’environnementales et géographiques. Le cheptel bovin chinois n’a cessé de diminuer jusqu’en 2011, avant de se stabiliser à un peu plus de 100 millions de têtes grâce aux efforts menés par les autorités chinoises pour préserver l’autosuffisance alimentaire du pays. Malgré cela, les prix de viande bovine connaissent une envolée, obligeant la Chine a ouvrir ses importations.

L’importation de viande bovine

Officiellement, les importations de viande bovines en Chines étaient quasi-inexistantes avant 2012-2013. Elles étaient bloquées pour des raisons sanitaires.

Cependant, avant 2012, il existaient des importations officieuses qui passaient par deux canaux détournés : la viande brésilienne, transitant par Hong-Kong, et la viande indienne, passant par le Vietnam. Aujourd’hui encore, l’institut de l’élevage estime que 60 % des importations sont constituées par des flux illégaux. En comptant le marché noir, les importations sont estimées à 9 millions de tec, soit environ 20 % de la consommation.

Pour lutter contre les flux illégaux, la Chine entreprend depuis quelques années de rationaliser ses autorisations sanitaires. Ainsi, alors qu’elle était totalement prohibée jusque fin 2016, la viande indienne peut désormais pénétrer officiellement en Chine continentale suite à l’agrément de 14 abattoirs en janvier 2017. Cependant, il semblerait que l’Australie, la Nouvelle Zélande et le Brésil soient les grands gagnants de cette politique d’ouverture sanitaire : les volumes exportés par ces trois pays ont déjà dépassé sur les 4 premiers mois de 2017 ceux qu’ils ont expédiés sur toute l’année 2016.

Certes, les France bénéficie elle aussi de cette ouverture : l’embargo ESB a été levé en mai 2017, et les négociations pour obtenir l’agrément sanitaire ont débuté. Mais de nombreux obstacles demeurent pour que la Chine soit un débouché sérieux :

  • Dans le meilleur des cas, l’agrément sanitaire ne sera obtenu qu’en 2019. De nouveaux aléas peuvent survenir d’ici cette date, et le marché Chinois ne résoudra pas les problèmes de court terme des éleveurs.
  • La viande française est inconnue en Chine. La viande de qualité, principal marché sur lequel la France peut se positionner, y est systématiquement associée à la viande australienne. Quant à la moyenne gamme, elle est dominée par la viande d’Amérique latine. Toutefois, certains professionnels estiment qu’il est possible « d’éduquer » le consommateur chinois pour lui faire connaître la viande française.
  • D’autres pays, également longtemps absents de Chine, sont prêt à se mobiliser pour profiter de l’ouverture sanitaire du pays : les États-Unis, l’Irlande, l’Afrique du Sud et le Kenya.
 

La Méditerranée

Les pays du pourtour méditerranéen restent lourdement pénalisés par les effets de la crise économique mondiale, la baisse des cours du pétrole et les conflits au Moyen Orient. Aussi, les importations de viande sont restées stables en 2016. L’Europe en général, et la France en particulier, reste peu présente sur ces marchés, dominés par l’Amérique du Sud (60 % des volumes) et l’Inde (33 % des volumes).

En revanche, les importations d’animaux vifs, qu’ils soient destinés à l’abattage ou l’engraissement, restent dynamiques : elles augmentent de 37 % sur le pourtour méditerranéen. De plus, l’Europe est bien positionné pour fournir cette dynamique.

Un pays en particulier semble offrir de belles perspectives : il s’’agit d’Israël. Longtemps fermé aux importations, Israël fait face à un mécontentement croissant de sa population vis à vis des prix et de la qualité de son alimentation. Aussi, les pouvoirs publics ont entrepris de libéralisation les importations, tant en vif (+80 % / 2015) qu’en viande (+17 %/2015). Bien que spectaculaire, l’ouverture aux bovins vifs ne pourrait toutefois qu’être passagère : il s’agit avant tout pour Israël de renforcer son cheptel, jusque-là très limité, pour répondre à la nouvelle politiques d’aides directes aux éleveurs. Les débouchés de viande devraient être plus durables, en raison de la baisse progressive des barrières douanières et du dynamisme de la consommation.

Les pays à majorité musulmane suivent des trajectoires très hétérogènes :

  • L’Algérie continue d’importer massivement des broutards français, et la dynamique ne semble pas s’essouffler.
  • Le marché turc est lui aussi très dynamiques, mais a malheureusement fermé sa porte aux importations françaises issues des zones touchées par la FCO.
  • L’Égypte connaît une forte progression de sa consommation carnée, mais le pays est soumis à de graves instabilités économiques et politiques. La demande en bovins vivants se confirme sur les dernières années, mais les exportateurs se heurtes à l’insolvabilité des opérateurs locaux. De plus, le marché est largement occupé par le Brésil.
 

L’Europe

l’Union européenne est soumise à trois grandes dynamiques en 2016 : une hausse de la production de viande, une baisse des prix et un rebond des exportations.

La consommation de viande bovine suit des trajectoires hétérogènes. Elle augmente au Royaume-Unis et en Allemagne. En Espagne, elle repart à la hausse depuis deux ans, corrélée à la reprise économique du pays. Il semble dans que ce pays, la consommation de viande soit uniquement une question de pouvoir d’achat. En France, en Italie et en Grèce, la consommation ne cesse de baisser depuis 2010.

Niveau exportations, l’Union européenne a été relativement dynamique. Les expéditions de viande ont été particulièrement soutenues vers l’Asie du Sud Est, ce qui devrait se maintenir dans les années à venir. Quant aux bovins vivants, ils ont bénéficié de l’ouverture des marchés Israéliens et Turcs. Malheureusement, la France n’a pas pu en tirer avantage pour des raisons sanitaires. De plus, l’Amérique du Sud demeure un concurrent de poids dans ce domaine.

Jusque-là, les importations de viande dans l’Union européenne sont relativement stables, protégées grâce aux contingents tarifaires. Mais la poursuite des négociations d’accords de libre-échange pourrait change la donne dans les années à venir.

Les abattages devraient être stables en 2017, sauf en Irlande et aux Pays Bas. Ce dernier pays est en train réduire drastiquement son cheptel laitier afin de diminuer ses émissions de phosphore et ainsi conserver sa sa dérogation vis à vis de la directive nitrate.

Les principaux concurrents exportateurs : Océanie et Amérique latine

L’Océanie et la Nouvelle-Zélande connaissent des trajectoires similaires : après de fortes dé-capitalisations, les deux pays sont en train de revenir dans la course mondiale.

L’Australie, dont le cheptel est constitué à 80 % de vaches allaitantes, avait en effet considérablement réduit son troupeau entre 2013 et 2015 suite à d’importants épisodes de sécheresse, inondant le marché mondial de viande. La recapitalisation, amorcée en 2016, semble se poursuivre en 2017, entraînant une production de viande relativement faible à court terme.

La Nouvelle Zélande a quant a elle produit beaucoup de viande de veau et de réforme laitière suite à la crise laitière de fin 2014/début 2015. Là encore, le troupeau se reconstitue lentement depuis plusieurs mois.

Le Brésil fait face à une faible disponibilité d’animaux, liée à des sorties massives de femelles en 2013/2014, ainsi que de mauvaises conditions météorologiques dans plusieurs États. En pleine recapitalisation, le Brésil a vu sa production en abattoir diminuer de 4 % pour les femelles et de 2 % pour les mâles. Le Brésil est également de plus en plus dépendant de la Chine, qui accueil 29 % de ses exportations en 2016 (+31 % / 2015). Le pays continue également d’occuper une bonne place au Moyen Orient. Ses exportations diminuent partout ailleurs. Des incertitudes demeurent suite au scandale de la viande avariées, dans lequel le géant JBS est lourdement impliqué. Le pays occupe une bonne place sur le marché des bovins vivants, en particulier vers la Turquie, dont la demande est, comme on l’a vu, très dynamique.

l’Argentine connaît également une forte recapitalisation, freinant sa production.

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