En dépit des raccourcis médiatiques, le glyphosate n’est pas cancérigène !

Pour l’ensemble des médias, la messe est dite : le glyphosate est bel et bien « cancérigène » ! Et pourtant, aucun pays dans le monde ne classe ce produit comme tel, pas même le CIRC qui lance les hostilités en mars 2015, en déclarant que « le glyphosate est probablement cancérigène pour l’Homme (groupe 2A) », tout en précisant « que les preuves d’une carcinogénicité du glyphosate pour l’Homme sont limitées » (p78).

Mais bien d’autres avis contrebalancent celui du CIRC, à commencer par celui de l’EFSA, rendu en novembre 2015 : « ni les données épidémiologiques (portant sur l’homme), ni les éléments issus d’études animales n’ont démontré de causalité entre l'exposition au glyphosate et le développement de cancer chez les humains. »

À son tour, l’Anses, le 12 février 2016, relativise le risque pour l’Homme : « le niveau de preuve de cancérogénicité chez l’animal et chez l’Homme est considéré comme relativement limité et ne permet pas de proposer un classement 1A ou 1B (cancérogène avéré ou présumé pour l'être humain) ».

L’OMS elle-même, lors d’un comité joint à la FAO organisé en mai 2016, se désolidarise du CIRC : « le glyphosate ne pose probablement pas de risque carcinogène à l’Homme par exposition directe via l’alimentation » (p2).

Enfin, l’ECHA est la dernière à enfoncer le clou, en mars dernier : le glyphosate n’est ni cancérogène, ni mutagène, ni reprotoxique.

Le rapport est donc de 4 contre 1 ! Mais alors, un mensonge 1 000 fois répété peut-il finir par se transformer en vérité ? Tous ceux accusant l’OMS, l’Anses, l’EFSA et l’ECHA d’être vendus aux firmes phytopharmaceutiques peuvent à leur tour être taxés de mensonge quant à leur tentative de classement imaginaire du glyphosate comme cancérigène !

 

La firme Monsanto sert d’épouvantail !

Qui se souvient que le N-(phosphonométhyl)glycine, ou plus communément appelé « glyphosate », est initialement découvert en 1950 par un chimiste Suisse, Henri Martin, du laboratoire pharmaceutique Cilag ?  Ce n’est qu’au début des années 1970 que Monsanto se met à travailler sur des molécules adoucissantes pour l’eau (acide amynométhilphosphonique ou AMPA) et découvre ensuite les vertus désherbantes du glyphosate.

Initialement breveté par Monsanto en 1974, le glyphosate est aujourd’hui commercialisé sous une variété de noms commerciaux par plus de 40 sociétés depuis l’expiration de son brevet américain en 2000. Le site E-phy de l’Anses recense 178 numéros d’AMM, dont on voit que seulement quelques-unes sont détenues par Monsanto. Il est donc erroné d’associer systématiquement glyphosate et Monsanto, compte tenu du nombre d’AMM détenues par d’autres firmes, même si Monsanto a tout fait pour rester leader sur ce produit, en s’opposant aux génériqueurs indépendants et en obtenant en 1996 un règlement européen anti-dumping, taxant le glyphosate chinois (moins cher) jusqu’à 48 %, et maintenant ainsi un prix anormalement élevé au sein de l’UE. Associés aux industriels chinois, l'association Audace et son adhérent la Coordination Rurale, ont attaqué ce règlement UE en 2004 et obtenu gain de cause en 2008 devant le tribunal de première instance de l’UE. Depuis 1957, date du traité de Rome, personne n’a jamais osé attaquer un règlement ! Pas même un État membre !

Quoi qu’il en soit, il ne faudra bientôt plus parler de Monsanto mais uniquement de Bayer, qui va le racheter pour la bagatelle de 58 milliards d’euros. Pour l’heure, la firme américaine fait encore figure de chiffon rouge agité devant l’opinion publique.

 

Pour « protéger » le consommateur, c’est le libre-échange qu’il faut interdire!

Ce serait oublier que l’UE importe chaque année 34 millions de tonnes de soja (graine et tourteau) pour nourrir ses animaux d’élevage. Or, ce soja est majoritairement OGM, rendu résistant au glyphosate et donc traité en pleine période de végétation. Sur 1,8 milliard de litres épandus dans le monde, les 2/3 sont épandus sur plantes génétiquement modifiées, parfois à l’avion, comme visible sur l’image de titre (pratique interdite en France). En Europe, il n’est pas cultivé de plantes tolérantes au glyphosate et il n’est pas réalisé de traitements en végétation (le glyphosate étant un herbicide dit « total », la plante se dégraderait).

Les principaux pays exportateurs de soja sont le Brésil, l’Argentine et les États-Unis, justement ceux avec lesquels la Commission Européenne est si pressée de signer des accords de libre-échange (TAFTA, Mercosur). C’est sans compter le libre-échange multilatéral imposé par l’OMC, avec l’effet désastreux de l’accord du GATT du Dillon Round en 1960-61, confirmé par celui de Blair House en 1992, ayant supprimé toute protection douanière sur le soja et les tourteaux d’oléagineux, la production européenne de protéines végétales s’en trouvant réduite à néant.

Il ne faut bien sûr pas négliger non plus les importations de maïs OGM d'Amérique du sud, ni celles de colza OGM d’origine canadienne, ni même les importations de lentilles ou autres ayant été défoliés au glyphosate avant récolte.

Il faut donc cesser de mentir aux consommateurs : pour les protéger d’hypothétiques effets du glyphosate, c’est avant tout le libre-échange qu’il faut interdire !

 

Une interdiction franco-française serait un acte d’euroscepticisme !

La Commission européenne est elle aussi accusée de faire le jeu des firmes phytopharmaceutiques. Mais elle n’a fait qu’appliquer le droit communautaire s’imposant à elle. Comme en juin 2016, lors du vote des États membres, la majorité qualifiée pour la ré-approbation du glyphosate n’a pas été obtenue, la Commission ne pouvait prendre ni de décision d’approbation, ni de décision de désapprobation. Elle pouvait seulement prolonger l’autorisation du glyphosate de 18 mois, jusqu’au 31 décembre 2017, en attendant l’avis de l’ECHA.

En réalité, une décision unilatérale de la France serait un acte de repli sur soi, une posture d’isolement national du reste de l’Europe et l’affichage d’une défiance envers les institutions de l’UE (Conseil de l’Union, Commission, EFSA, ECHA).

 

Adieu à l’agro-écologie !

L’interdiction du glyphosate mettrait à mal les efforts engagés par la France pour développer l’agro-écologie, ce produit étant encore indispensable à la destruction de certains couverts végétaux et à la lutte contre le salissement des parcelles non travaillées mécaniquement.

Or, l’agriculture de conservation (non labour, semis direct, allongement des rotations, couverts végétaux…) est en plein développement, comme troisième voie, aux côtés de l’agriculture conventionnelle et de l’agriculture biologique.

 

Aucune alternative à ce jour !

Le gouvernement d’Edouard Philippe concocte un « plan de sortie du glyphosate », devant tenir compte « de l’état de la recherche et des alternatives disponibles pour les agriculteurs » mais force est de constater qu’à ce jour, il n’en existe aucune. Il s’agit soit d’un incroyable scoop, soit d’un effet d’annonce éhonté ! La recherche d’alternatives efficaces et abordables pour les agriculteurs est précisément le talon d’Achille du plan Ecophyto II qui manque clairement d’ambition sur ce point.

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Centre international de recherche contre le cancer (OMS)

Glyphosate resistance in crops and weeds, Vijay K. Nandula, 2010 (disponible sur Google Books, voir p1-3) ET A history of weed science in the united states, Robert L. Zimdahl, 2010 (également disponible sur Google books, voir p105)

Oilseeds and protein crops market situation, Committee for the Common Organisation of Agricultural Markets, 24 August 2017

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